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Voyage en Terre Kurde

Le Kurdistan… Un voyage que j’avais prévu il y a longtemps, juste avant le début de la guerre en Syrie, et que j’avais reporté à cause des nouvelles qui n’étaient pas encourageantes. Il faut dire que tout est fait pour dissuader, selon le site du ministères des Affaires Étrangères et les média la mort guette quiconque oserait y mettre les pieds ! Attentats, assassinats, kidnapping… Sans parler des contrôles, des routes bloquées… A croire qu’il s’agit de la destination de tous les dangers ! Mais est-ce bien vrai ? Et puis en fait… C’est quoi le Kurdistan exactement ?Le Kurdistan est une région géographique, culturelle et historique du Proche-Orient qui s’étend majoritairement sur deux pays qui sont la Turquie et l’Irak, et de façon plus limitée en Syrie et en Iran. Il ne s’agit pas d’un pays à part entière, si il n’existe pas de nation kurde officielle c’est essentiellement dû au morcelage de l’Empire Ottoman après la première guerre mondiale et le non respect du traité de Sèvres qui prévoyait la création d’un Etat kurde. Ajoutez à cela le fait que la Turquie (contrairement à l’Irak et l’Iran) ne reconnait aucune région kurde sur son territoire, la répression anti-kurdes des années « Saddam » en Irak et les récents problèmes en Syrie (où les kurdes n’ont pas vraiment eu le choix de prendre part au conflit) alors vous comprendrez mieux la réputation de « zone de tous les dangers ».

Après ce point de géo-politique ultra condensé il est temps de faire les valises et d’y aller… Parce que ce n’est pas la porte à côté le Kurdistan ! Avant toute chose il faut déjà traverser l’Europe vers l’est, franchir le Bosphore et rentrer en Asie… Il y en a pour grosso modo 3000 kilomètres, soit 10 pleins d’essence et autant de mauvais sandwichs club dans les meilleurs stations services des Balkans… Une étape obligatoire dans ce genre de voyage, ce n’est pas la plus belle ni la plus excitante mais il faut passer par là.

Ensuite il faut se sortir de l’enfer d’Istanbul, des bouchons gigantesques sur l’autoroute qui traverse la ville mais dont j’ai pris l’habitude. Slalom entre les voitures, arsouille sur la bande d’arrêt d’urgence avec les scooters et prendre « l’aspi » derrière les ambulances… Voici la recette du succès pour ne pas y rester des plombes. En France on me prendrait pour un hooligan, ici je suis juste un motard comme les autres. Par contre mon embrayage (hydraulique) ne survivra pas à la manœuvre, un liquide trop  vieux, un joint de bocal hors d’age… Bref, surpression et tout fout le camp ! Je me retrouve sans embrayage, de nuit, dans la banlieue stambouliote et nulle part où dormir. Impossible de trouver un endroit où bivouaquer dans cette immense zone urbaine, je ne croise aucun camping sur la route et tous les hôtels indiqués sont fermés…

Je me fais 300 kms de « rab » sur mon planning, sans succès. Il est presque minuit, toujours pas d’endroit où dormir, j’ai plus d’essence… Le top. Je vois une station service en train de fermer, avec mon sourire idiot de touriste perdu le patron accepte de me servir alors qu’il avait tout plié… Et quand je lui dis que je suis en galère pour dormir il prend carrément pitié de moi et me propose de camper derrière la station ! Ça à l’air glauque à souhait, il faut que je fasse un peu de place avec les détritus au sol et les corniauds errants mais bon… J’ai fait 15 heures de moto aujourd’hui alors je ne vais pas faire le difficile ! Au réveil les lieux sont encore plus « glamour », mais bon c’est ça le voyage… Il y a de superbes bivouacs en bord de rivière qui font de belles photos pour Instagram… Et des soirs où tu dors sur un terrain vague derrière une station service !

 

 

Le trajet vers Ankara sera des plus drôle. Impossible d’ouvrir le bocal pour rajouter du liquide de frein car les deux vis sont foirées…  Vous allez me dire qu’il faut être con pour partir au Kurdistan avec moto non révisée et se rendre compte sur place que des vis sont mortes… Et c’est vrai oui, je suis très très con… Ou insouciant, mais des fois c’est un peu la même chose. Alors plutôt que d’essayer de démonter coute que coute et empirer la situation je décide de rejoindre la concession Yamaha d’Ankara. Soit 200 kms sans embrayage et la traversée d’une ville de 6 millions d’habitants sans pouvoir m’arrêter aux feus rouge… Rassurez vous j’ai survécu !

 

 

 

 

Pour fêter réellement mon arrivée en Turquie j’ai décidé de m’offrir le luxe d’un camping près du centre-ville et surtout un super restaurant en compagnie d’un couple d’ami expatrié à Ankara. L’occasion de découvrir la cuisine turque et sa légendaire générosité… Ici le client ne doit pas arriver à finir son plat, tout doit être copieux à 150% ! J’ai donc fait le plein de gras et de calories pour quelques jours au moins !

 

 

Le lendemain, avant de partir toujours plus à l’est, je fais un nouvel arrêt à la concession Yamaha pour remercier les mécanos et prendre le petit déj avec eux chez… Ktm. Oui ici pas de concurrence impitoyable entre concessionnaires, c’est le patron de KTM qui paie le peti-déj aujourd’hui et un client de chez BMW qui vient pour faire le traducteur. Ambiance motarde sympa, j’en profite pour faire le plein de conseils pour la route et récupère quelques numéros de téléphone en cas de problème.

Forcément je tarde un peu à partir, et je ne me presse pas trop pour me mettre en route car je dois aller à Göreme et sur la carte c’est tout près… Sauf que j’oublie que c’est la carte de la Turquie que j’ai dans les mains et pas celle de la Lozère, ici tout près ça veut dire 300 kms et 4 heures de route ! Donc plus le temps de niaiser, gaz en grand direction la Cappadoce.

A la base j’avais prévu pas mal de détours dans les montagnes mais la météo n’est vraiment pas de la partie. Arrivé à Aksaray je prends un orage d’anthologie sur le casque, le genre d’orage qui te force à t’arrêter sous un abri bus car tu n’arrives même plus à voir à 2m ! Mon détour sur les petites routes et pistes autour de Güzelyurt ne parait plus franchement judicieux… Les nuages semblent accrochés sur les montagnes, les éclairs quadrillent le ciel… Tant pis pour le tourisme, j’enfile la combinaison de pluie et trace à l’essentiel : Göreme.

 

 

Göreme c’est tout sauf l’aventure, nous sommes ici dans le cœur touristique de la Cappadoce qui est une des régions les plus visitée de Turquie. Boutiques de souvenirs, bus de touristes chinois, tour operators à tous les coins de rues… Ce n’est pas le genre d’ambiance que je recherche mais malheureusement c’est difficilement contournable. Heureusement nous sommes en septembre et le calme est quelque peu revenu. Je me trouve un camping sympa car je veux rester 2 jours sur place pour visiter tranquillement.

Après une nuit pluvieuse je suis réveillé au petit matin par le bruit de lance-flamme des montgolfières, certaines frôlent les terrasses du camping et font un véritable vacarme !

 

 

La montgolfière doit être un formidable moyen de découvrir les paysages de Cappadoce mais je préfère largement la liberté que m’offre la moto plutôt que de suivre un itinéraire imposé par le tour operator.

Le parc national de Göreme est un concentré de tout ce que peut proposer la région sur un tout petit périmètre: cheminées de fée, villages troglodytes, vestiges de caravansérail… Il y a tellement à voir qu’en une journée il est impossible d’aller partout, il faut donc faire un choix. Pour les paysages les vallées de Devret et de Cat m’ont le plus impressionnées, la quantité de cheminées de fée, l’érosion si particulière… Ça parait incroyable que cela soit naturel ! Pour évoluer dans ce décor lunaire rien de mieux qu’une moto, les routes sont viroleuses mais on peut aussi très bien prendre des pistes au hasard et accéder à des panoramas plus intimes et typiques… De ceux que les touristes en bus ne verront jamais.

 

 

A force de pérégrinations j’atterris à Cavusin, un petit village troglodyte un peu à l’écart des autres destinations plus « courues ». La petite déception des sites troglodytes en Turquie c’est que c’est très beau de loin… Mais finalement de près beaucoup moins, l’intérieur est souvent sale avec pas mal de détritus jetés au sol… Mais heureusement la vue est belle !

 

 

Certes la Cappadoce est une région ultra touristique mais je ne regrette pas de m’y être arrêté. Je pense que dans un road-trip en Turquie c’est vraiment une étape incontournable, même si bien sûr l’industrie touristique atteint quelque peu l’authenticité des lieux… Mais il y a quelque chose de profond dans ces paysages, limite spirituel… Après plusieurs jours à 10/12h de moto et 700 kms de moyenne ça fait du bien de trainer sur la route et de prendre le temps. Aujourd’hui j’ai fait 60 bornes… et ça m’a pris toute la journée !

Après cette « pause » j’ai repris mon chemin vers le Kurdistan même si c’est encore loin pour moi et qu’il me faudra encore 3 jours pour y arriver.

Pour l’instant je n’ai pas de chance avec la météo en Turquie. Au mois de septembre il y a en moyenne un seul jour de pluie… Et ça fait 3 jours qu’il fait moche, j’imagine que ça devait être mon destin… et j’espère que ce n’est pas le karma !

160 kms de toutes petites routes au fond de canyons m’amènent à Kapuzbagi, un parc naturel où l’on peut notamment voir de magnifiques cascades. Fini les lignes droites, j’entame enfin les flancs de mes pneus même si la Turquie ce n’est pas les gorges du Verdon… Sur la route, entre les vaches, les éboulis, les types qui roulent n’importe comment en 504… Mieux vaut en garder un peu sous le coude !

La chaleur de l’orient commence à se faire sentir… J’apprécie la clim’ naturelle des cascades…

 

 

La route jusqu’à Feke se transforme rapidement en piste et je traverse des pinèdes sublimes dans les montagnes. Hélas le mauvais temps revient encore et toujours… Et l’orage va me forcer à m’arrêter subitement et trouver un spot de bivouac en catastrophe.

 

 

Ce n’est clairement pas le plus bel endroit pour camper, mais s’était propre et j’ai tout juste eu le temps de planter la tente avant que le ciel ne me tombe sur la tête !

Au passage merci la maxi-tente de chez Lone Rider… Certains trouveront ridicule d’avoir une si grosse tente, mais quand tu prends la pluie trois soirs d’affilé tu es plus que satisfait d’avoir de la place pour faire la cuisine, manger confortablement et avoir l’espace nécessaire pour passer une soirée normale.

 

 

Après la pluie vient le beau temps, et au réveil j’ai la sensation que la malchance météorologique qui me suivait jusque là est peut-être en train de me lâcher. J’ai droit à un beau ciel bleu et un soleil qui donne des couleurs incroyables à la campagne profonde que je traverse. Parfois du bitume, beaucoup de terre… Les paysages sont splendides, une terre rouge, des villages de bergers des plus typiques… Je ne pouvais pas rêver mieux comme arrivée au Kurdistan !

 

 

Et oui j’y suis enfin, après 9 jours de route, 3 orages et un demi litre de liquide de frein ! Mais il faudra attendre un peu pour vraiment explorer le pays kurde, il est tard et j’arrive avec la nuit à Kâhta. Le patron du camping de Göreme m’avait conseillé de m’arrêter dans cette ville car un ami à lui a un hotel-camping en centre-ville, super sympa, joli… Ben je suis allé voir… et s’était rien de tout ça, mais bon j’avais plus la force de chercher un autre endroit et le patron était cool donc je suis resté… Je vais camper sur un parking d’hôtel dans une ville moche mais au moins je prendrais une douche.

Après une bonne nuit de sommeil je me mets en route vers ce qui est une des étape les plus importantes de mon voyage… Le Nemrut Dagi !

 

 

Alors pourquoi le mont Nemrut est une étape incontournable dans un voyage en Turquie ? Pas simplement parce que du haut de ses 2134m d’altitude on a une vue parfaite sur le sud du pays… Surtout parce qu’au sommet vous trouverez un site archéologique unique datant du premier siècle avant JC, constitué d’une multitude de statues à l’effigie des dieux et du roi Antioche 1er (qui se voyait lui aussi comme une divinité). Le sanctuaire est impressionnant à tous les égards, par sa beauté, sa taille, la précision du travail, sa conservation… Et la difficulté qu’à du représenter sa réalisation, à cette époque et à cette altitude !

Si vous allez en Turquie, sincèrement, posez un peu la bécane, enfilez une paire de baskets et montez voir ce qui se passe au sommet du mont Nemrut. Si possible tôt le matin, avec le lever du soleil, vous en garderez des souvenirs impérissables.

 

 

 

Forcément après ce genre de visite on reste peu « perché » au sommet de la montagne toute la journée. Je n’ai pas un grand souvenir de la route ensuite, si ce n’est que s’était plat, immense, brulant… Et que je suis enfin arrivée entre le Tigre et l’Euphrate, la Mésopotamie, le Croissant Fertile… De vieux termes de cours d’Histoire du collège qui me reviennent… Et bien j’y suis ! Et on se demande comment la région peut être fertile avec une telle aridité et ces températures extrême… Mais vu le nombre de champs cultivés, à perte de vue, on se dit que les kurdes ne doivent pas trop mal se débrouiller en agriculture.

 

 

J’avoue avoir pris assez peu de plaisir sur la route sur le reste de cette journée, trop chaud, trop droit,… J’ai multiplié les pauses rafraichissement pour ne pas tourner de l’oeil.

Le périple du jour se termine sur un autre site archéologique majeur : Gobekli Tepe. Alors visuellement c’est bien moins impressionnant que le Nemrut Dagi, il faut être un peu un geek d’Histoire pour apprécier les lieux… Mais tout de même, ses vestiges sont la trace d’une vie humaine de près de 10000 ans avant JC ! Alors OK c’est quelques murs de pierres qui ne cassent pas 3 pattes à un canard… Mais quand on met en perspective avec l’ancienneté ça donne le vertige… On s’imagine qu’il y a 12000 ans des gens vivaient ici, dans des conditions ultra rudimentaires, et me voila des millénaires d’évolutions technologiques plus tard en train de visiter leurs maisons avec mes grosses bottes de moto et mon équipement full plastique… Ça fait réfléchir !

 

 

La journée prend fin dans la petite ville de Harran et ce soir… Je dors à l’hôtel !

Non pas que j’ai soudain une envie de luxe, mais la proximité avec la frontière syrienne (20 kms) m’oblige à une certaine prudence… Et de toute façon même si j’essayais de bivouaquer je serais vite repéré par l’armée turque et chassé de mon campement. Donc autant se louer un loft dans le plus bel hôtel de Harran pour la somme exorbitante de……… 19€ ! La chute du cours de la lire turque à fait considérablement baisser les prix, les hôtels et restaurants n’ont jamais été aussi bon marché… Si c’est avantageux pour le voyageur j’avoue que j’aurais volontiers payé plus cher tout ce que j’ai pu consommer sur place. Le poids de l’économie se ressent dans le quotidien, les soit disant guides touristiques se multiplient dans les villes pour gratter quelques lires aux touristes contre une prestation plus qu’aléatoire, les demandes de pourboires se font de plus en plus insistantes… Il n’y a pas d’aggressivité, mais c’est une pression qui est présente au quotidien, et jamais je n’avais vécu ça en Turquie alors que c’est mon troisième voyage… Il faut dire qu’il y a 4 ans, lors de mon premier voyage, 1€ valait 2,8 liras… Aujourd’hui cela représente 6,4 lira (en septembre 2019, 7,70 moins d’un an plus tard) !

C’est une donnée à prendre en compte aujourd’hui en Turquie, face à une telle récession économique le moins que l’on puisse faire en tant que voyageur européen est de faire profil bas.

 

 

Pour ceux qui se posent des questions sur la sécurité dans ce genre de village si près de la frontière syrienne, dans une zone que les médias présentent comme celle de tous les dangers… Et bien sachez que tout est extrêmement calme et serein, les employés de l’hôtel sont tous hyper sympas et chaleureux, les gosses jouent au foot dans la rue, le facteur distribue le courrier en sifflotant… Bref, la vie est globalement normale… La seule chose qui sort de l’ordinaire est la présence importante de policier et de contrôle de police, mais cela ne choque pas quand on sait qu’à 20 kilomètres il y a un pays en guerre… C’est plutôt normal de vouloir contrôler l’identité des gens qui circulent…

Harran se visite pour son architecture et son Histoire, ici certains vestiges et constructions auraient 2000 ans ! Certes les petites maisons en terres sont atypiques mais elles sont peu nombreuses et certaines vouées uniquement au tourisme que les habitants d’Harran tente tant bien que mal de développer malgré la guerre en Syrie… Et franchement cela ne marche pas trop mal, avec tout ce qu’on raconte dans les médias je pensais que je serais seul à vouloir visiter mais il y a quelques groupes de touristes qui se promènent en ville. Ça ne fait pas un monde fou mais c’est assez pour faire tourner un office du tourisme et un resto ! C’est d’ailleurs lors d’une pause çay (le thé en Turquie) qu’un des guides touristiques m’expliquent qu’ici les gens ne sont ni kurdes ni turcs… Mais arabes ! Cela surprend, mais en même temps à vol d’oiseau il ne doit même pas y avoir 10 kms entre nous et la Syrie…

 

 

Après avoir joué au Stéphane Bern d’occasion dans les rues d’Harran je reprends mon périple vers l’est sous un soleil de plomb. Je longe la frontière syrienne toute la journée en tentant de rester concentré tant je sue sous casque… C’est étouffant ! Chaque entrée de village est marqué par un contrôle de l’armée mais heureusement il n’arrête que très peu les voyageurs en moto… ça doit se voir sur ma tête que je suis tout sauf un terroriste, mais plutôt un bon touriste français à la limite de l’hyperthermie. C’est d’ailleurs la seule chose qui rappelle le conflit syrien : les contrôles. Je profite d’une pause carburant pour discuter avec le pompistes, qui m’a gentiment proposé de faire une pause sous la clim de son bureau et de boire le thé avec lui. Quand je lui ai demandé comment se passait le quotidien avec la guerre en Syrie il a rigolé ! Et il m’a expliqué qu’ils étaient conscient de la vision qu’avait l’occident du Kurdistan turc, qu’on se l’imaginait comme un No Man’s Land des plus dangereux, car ils ont comme nous le cable et les infos du monde entier… Mais qu’en réalité tout est très calme au quotidien. Ce qui est pénible c’est les contrôles incessants sur la route, cela ralentit tout, faire les courses devient compliqué, aller au travail, amener les enfants à l’école… Et le taux de chômage augmente. Mais pour le reste il se sent tout à fait en sécurité, d’ailleurs, dit-il, si il y avait un réel danger il ne laisserais pas son fils de 12 ans servir de l’essence seul pour se faire de l’argent de poche. CQFD.

Entre le site des Affaires Etrangères qui me prédit une mort quasi certaine pour avoir osé approcher la frontière syrienne et mon ami pompiste qui m’assure que tout est normal je me dis qu’il doit y avoir un juste milieu… Il est évident que faire de la moto dans les environs de Mardin ne présente pas à un danger important quoi qu’en disent les instances officielles et les médias, mais pour autant qu’on respecte un certains nombres de précautions. Ne pas faire le baroudeur du bac à sable à vouloir camper au milieu de la steppe, ne pas s’aventurer seul au milieu de nulle part et surtout respecter les directives de l’armée quand on les croise… Franchement ce n’est pas compliqué, surtout que tous les militaires que je rencontre sont super sympas, cordiales… Et pour le peu de fois où j’ai été contrôlé (5/6 fois sur un voyage d’un mois, pas plus) ils m’ont vraiment posé très peu de question… Rien de stressant en somme.

Après avoir littéralement brulé au soleil sur la route je m’arrête au monastère Deyrulzafaran et je découvre que la région regorge d’églises syriennes orthodoxes. Alors je ne suis pas un expert en théologie, et je me perds parfois entre toutes ces Eglises que l’on connait mal en occident… Mais en tout cas le site mérite vraiment la visite. Le monastère est très bien conservé, les jardins et les environs sont très beau… Et il y a un bar climatisé, juste pour ça j’aime l’Eglise Syrienne Orthodoxe… La seule chose qui est dommage c’est qu’il n’y a aucune information en anglais pour les touristes non turcs ou arabes, et du coup on ne comprend pas toujours ce qu’on voit… En plus Wikipédia étant interdit en Turquie il n’est pas simple de se faire sa propre documentation sur place.

 

 

J’arrive à Hasankeyf à la tombée de la nuit, le seul camping du coin est fermé et je peine à trouver un endroit où dormir jusqu’à ce que le propriétaire d’une zone de pique-nique privée (ça se fait beaucoup en Turquie) me propose de dormir sur son terrain. Alors ce n’est pas très propre, il y a un bordel monstrueux à côté à cause d’un mariage… Mais s’est proposé de bon cœur, avec la corbeille de fruit du jardin et le thé offert, que ça parait impossible de refuser. Ce soirje campe donc au bord du Tigre, face à l’ancienne ville troglodyte, et je me suis dit qu’il y a finalement pire comme plan bivouac…

 

La nuit porte conseil, et au réveil je décide de revoir les objectifs de mon voyage. A la base je voulais entrer au Kurdistan irakien et aller jusqu’à Erbil, sa capitale, mais la chaleur étouffante, le manque d’intérêt des routes et les distances ont raison de ma motivation… Se fixer des objectifs pendant un voyage c’est bien, si tenir coute que coute c’est idiot. Un voyage cela doit rester un plaisir, si il y a de la contrainte, si on se force… Ça vire au challenge sportif et ça ne m’intéresse plus. J’irais un jour à Erbil, voir l’autre partie du Kurdistan, mais pas en moto… Cela n’a, pour moi, pas d’intérêt.

Mon choix de prendre la direction de Van s’est tout de suite révélé payant avec une route et des paysages incroyables. Des virages, de l’ombre sous les arbres, de jolies villages kurdes… Tout ce qu’il faut pour reprendre plaisir en moto !

La route de Bahçesaray n’est pas très impressionnante sur la carte et pourtant il faut tout une vie pour rejoindre le lac de Van par cet axe. C’est l’assurance de traverser des villages typiques, de rencontrer le Kurdistan profond, celui des bergers montagnards… Un autre décor que le désert de Mardin. Je suis même surpris par la fraicheur ! Il faut dire qu’avec deux cols, dont un à 2985m d’altitude, j’ai l’impression d’avoir changé de pays en quelques kilomètres.

 

 

Arrêt à Van dans un camping en bord de lac, pas forcément le plus glamour mais j’y ai rencontrés plein de gens sympas dont un couple de turcs en vacances qui avait tellement envie de me rencontrer qu’ils sont venus me réveiller et me sortir de mon duvet à minuit pour pouvoir discuter avec moi. Un échange improbable mais très drôle et plein de bienveillance… Comme souvent avec les turcs et les kurdes.

 

 

Le lac de Van est immense mais pour autant il n’est pas forcément très beau même si reste subjectif… Globalement je ne trouve pas les grands lacs très esthétiques, comme celui de Sevan. Je ne m’attarde donc pas et continue ma route en quittant définitivement la zone de frontière de la Syrie et de l’Irak pour celle de l’Iran et de l’Arménie. Le changement de décor est acté, fini les plaines arides et bienvenue dans les hautes montagnes kurdes… Le Caucase est maintenant tout proche.

Je m’arrête à nouveau pour une pause « Histoire » avec la visite du palais Ishak Pasha, à Dogubayazit. Très bien restauré, avec une vue imprenable sur les environs, c’est clairement un site à voir mais j’ai trouvé que s’était moins impressionnant que dans les guides touristiques… Quelques fois leurs auteurs en font un peu des caisses… Mais bon, il y a de beaux bâtiments et surtout je l’ai visité alors que de jeunes mariés faisaient leur photos de mariage avec tous leurs invités. S’était très drôle d’être là, avec ma tenue de motard cosmonaute et eux dans leurs beaux habits. Ils m’ont posé 1000 questions sur mon voyage… Et étaient tellement intrigués par mon périple qu’ils m’ont invité au repas ! L’hospitalité kurde n’a décidément pas de limite et j’ai bien entendu poliment refusé car… L’aventure malheureusement n’attend pas !

 

 

Mon inspiration me fait prendre les chemins de traverses pour rejoindre Igdir, une piste incroyable avec la vue sur le célèbre mont Ararat, symbole de la nation arménienne… Entre le panoramas, les troupeaux de chevaux, les maisons de bergers… Il me faut m’arrêter 50 fois pour tout photographier ! Honnêtement je n’ai qu’une très vague idée d’où je vais, ma carte étant tellement imprécise, mais s’est tellement beau que je suis prêt à m’enfoncer dans la pire des impasses juste pour continuer à profiter de la vue.

 

 

Une fois à Igdir je me dit que cette fois-ci un hôtel ça ne serait pas du luxe… Avec la chaleur des jours précédents, franchement, je sens le chacal mort et je commence à avoir honte de moi… Les kurdes ne me jettent pas encore de pierres mais on en est pas loin ! Du coup cap sur l’hôtel le plus classe du centre-ville, pour un tarif défiant encore toute concurrence mais avec la honte d’arriver puant et plein de poussières. Je me paierai quand même une bonne tranche de rire avec le voiturier, avec qui je suis parti sans casques en ville pour garer la moto sur leur parking privé… En France cela paraitrait impensable de rouler en moto sans casque en plein centre d’une ville  de 120000 habitants… Mais en Turquie c’est tout à fait normal ! En tout cas le voiturier était ravi de se faire payer un tour de moto, ça ne doit pas lui arriver souvent !

Après une nuit dans un lit douillet je continue ma route pour m’enfoncer dans le Caucase et je me surprend à avoir… Froid !! Mais un vrai froid de gueux, celui qui force à s’arrêter en catastrophe pour sortir les pulls, le tour de cou, allumer les poignées chauffantes… Quel contraste avec les jours précédents, il faut dire que même si je me rends difficilement compte de l’altitude je suis vraiment en haute montagne et je ne fais qu’aller d’un col à autre depuis la veille.

Je finis par quitter la route principale et prendre des pistes secondaires pour aller à la forteresse d’Ani… Un décor de steppe qui s’étend à perte de vue, le genre de tableau qui fait rêver tous les motards voyageurs. Ce qui est drôle dans ce genre d’endroit où l’on se croit seul au monde sur la lune, c’est qu’à peine arrêter pour prendre des photos il y a toujours quelqu’un qui arrive de nulle part pour taper la causette… C’est invariable ! Aujourd’hui ce sont des gosses qui, intrigués par la moto, veulent tout savoir de mon voyage. Il faut dire qu’en passant leur journées à garder les vaches ils doivent bien se faire ch***…

 

 

La forteresse d’Ani sera, avec le Nemrut Dagi, ma plus belle découverte du voyage. Déja son Histoire est tout simplement incroyable et improbable. La cité est très ancienne mais elle est connue pour avoir été, rien que ça, la capitale du royaume d’Arménie au Xe siècle et était surnommée la ville aux « mille et une églises »… Donc ça fait quand même un CV… Puis elle connait une Histoire tragique et mouvementée, faite de guerres où elle est conquise à maintes reprises par les turcs, les kurdes, les géorgiens, les arméniens encore, puis les mongols, à nouveau les turcs… J’ai compté 13 changements de royaume en, grosso modo, 250 ans, ce qui note une petite instabilité politique dans le coin tout de même…  Après 1329 elle fut abandonnée, seule quelques églises restant occupées jusqu’en 1725 et donc tout le monde a oublié l’existence de cette illustre cité… Avant que des archéologues russes tombent dessus en 1892 (soit avant hier en Histoire), et fassent connaitre au reste du monde cette ville qui abritaient tout de même 100.000 habitants en l’an mille et dont globalement personne n’avait entendu parler !

L’Histoire est incroyable mais la visite l’est tout aussi. On déambule dans une zone immense, parsemée de vestiges de remparts, d’églises, chapelles, mosquées, des bains, des palais, une école… Sans aucune restriction, on peut littéralement  toucher la grande Histoire du doigt ! L’authenticité du site est impressionnante, quand on met les faits historiques en perspective ça file carrément le vertige… Et en plus de ça le décor est magnifique. On est sur la frontière arménienne, le long d’une rivière avec la steppe qui s’étend à l’infini…

Bref, même si c’est loin, même si ça demande beaucoup de temps pour y aller et visiter, si un jour vous aller en Turquie ne faites pas l’économie de cette visite… Comme je l’ai dit plus haut c’est clairement le site historique incontournable avec le Nemrut Dagi.

 

 

Mon voyage en terre kurde prend fin dans la région de Kars, je vais maintenant aller en Géorgie et donner une autre orientation à mon road-trip… Plus de découverte, un terrain connu dont je ne vous parlerez pas car il a déjà fait l’objet de deux articles ici… C’est donc un plaisir uniquement solitaire, celui de faire de la moto égoïstement… Pas de réflexion, pas de photos, juste rouler et apprécier la fraicheur du Caucase. Je vous laisse donc sur ces photos de la frontière géorgienne avec des paysages enneigés à mille lieux de la fournaise syrienne !

J’espère que ces images et mon récit vous feront plus que voyager sur votre écran, qu’ils vous donneront l’envie de charger votre moto et de vous laissez tenter par l’aventure… Loin des clichés et des préjugés que l’on peut avoir en Europe de cette partie du monde, car le seul vrai danger ici est de ne plus avoir envie de rentrer chez soi.

Bonne route à vous !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2 réflexions au sujet de « Voyage en Terre Kurde »

  1. Sébastien dit :

    ça y est c’est fait, j’ai envie d’y aller !!

    Merci pour tous ces récits de voyage et liberté.

    Répondre
  2. liberspirita dit :

    c’est décidé, je pars

    Répondre

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