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Hivernale Bosnienne – Episode 1

Le choix de la destination peut paraître étrange mais elle s’est imposée pour moi comme une évidence.  Après avoir parcouru toute la région des Balkans lors de mon voyage « La Conquête de l’Est », j’avais envie de découvrir ce pays aux paysages méconnus, à l’Histoire passionnante, troublante et à ses habitants si accueillants.

Alors pourquoi j’ai choisi la Bosnie… Déjà pour le plaisir de la moto, le pays étant essentiellement montagneux et faiblement urbanisé il y a tout ce qu’il faut pour contenter les motards: des routes sinueuses et des pistes à profusion ! Ensuite pour des raisons plus personnelles, je pars 3 mois après les attentats contre Charlie Hebdo, dans une période trouble et rythmée par le risque terroriste, la violence communautaire et un éternel débat sur « l’identité nationale »… La tentation du nationalisme est forte en France et l’Ex-Yougoslavie est la dernière région d’Europe à avoir pris ce virage là, s’était il y a tout juste 20 ans et tout le monde se rappelle de la guerre qui opposa bosniaques musulmans, serbes orthodoxes et croates catholiques… Visiter la Bosnie aujourd’hui invite forcément à réfléchir à la notion de « savoir vivre ensemble », voyager ce n’est pas que découvrir de nouveaux paysages, c’est aussi l’occasion de réfléchir.

Loin de moi l’idée d’écrire un article de politique ou de philo… Ni même de faire le tour de tous les endroits les plus lugubres de la guerre. Mais j’aime réfléchir à ces questions là et donc je suis forcément sensible à l’Histoire des Balkans. On verra bien ce que peux m’apporter ce voyage et ses rencontres !

Avant de faire mon BHL du dimanche il faut déjà arriver en Bosnie et ce n’est pas une mince affaire ! 1000 kilomètres d’autoroute pour traverser le sud de la France et l’Italie, ça tanne déjà bien les fesses. Puis un « passage au stand » en Slovénie pour équiper la moto de pneus adéquats. Nous sommes en avril mais dans les Balkans c’est l’hiver ! J’arrive sous la neige et je ne sais pas à quoi m’attendre pour la suite, combien de kilomètres de chemins, quelles conditions climatiques,… Bref je n’ai pas préparé grand chose et dans le doute je préfère monter des pneus au profil « tout-terrain » (TKC 80) pour ne pas rester bloquer dans la boue… Ou pire encore !

Pour éviter de « tuer » ces pneus là sur l’autoroute je les ai fait commander par un garage slovène, celui-ci me gardera mes pneus route comme ça au retour je pourrai changer à nouveau et je garderai des TKC80 en bon état pour un autre voyage. Une méthode efficace, comme ça j’ai toujours les bons pneus selon l’utilisation et je n’ai pas besoin de les transporter !

Bon au début j’ai eu quelques doutes sur le choix des pneumatiques… Faut dire que je n’ai pas l’habitude des pneus tout-terrain, c’est la première fois pour moi et c’est vraiment une sensation bizarre ! On dirait que la moto va tomber dès qu’on la penche, et je pars sur une route détrempée… Pas facile pour prendre confiance ! Mais une fois en Croatie j’ai vite vu que j’avais pris la bonne décision… Les routes de montagnes sont recouvertes de neige et je suis bien content d’avoir mes (simili) crampons !

 

 

L’ambiance sur la route est sinistre, et l’équilibre précaire… Mais qu’importe, la Croatie n’est pas vraiment le but de ce voyage, je veux simplement m’arrêter aux lacs de Plitvice pour enfin les voir. Je dis bien enfin car c’est la troisième fois que je passe dans les parages et il faisait toujours un temps tellement pourri que j’avais systématiquement renoncé à visiter. Cette fois-ci c’est guère mieux mais tant pis… La lumière n’est pas terrible mais l’endroit est malgré tout sublime… J’imagine même pas avec du soleil !

Je me trouve une guest-house pas (trop) cher à proximité, pour profiter tranquillement le lendemain et randonner autour des lacs.

 

 

Je ne vais trop m’étendre sur le sujet des lacs de Plitvice car ce n’est pas le but du voyage… Mais c’est vraiment un quelque chose à voir et à faire quand on passe dans la région ! Il faut compter la journée pour faire la randonnée complète, et ça fait du bien de couper un peu avec la moto après avoir traversé la France, l’Italie et la Slovénie quasiment d’une traite…

Il est temps de passer en Bosnie-Herzégovine, l’objectif réel du roadtrip, en franchissant la frontière de Bihać. Pour l’instant rien d’excitant à se mettre sous la dent, du bitume, de la ville… Mais déjà quelques panneaux qui alertent sur la présence de mines anti-personnelles. Ce n’est pas une surprise pour moi, mais pour ceux qui ne connaissent pas le pays c’est une donnée à prendre en compte… On ne va pas cueillir de champignons et on ne plante pas sa tente n’importe où ! Pour cette raison, et aussi à cause du climat, j’ai décidé exceptionnellement de ne pas camper et pour une fois me payer le grand luxe de l’hôtel tous les soirs. En même temps vu les prix ça ne justifie pas du tout de risquer sa vie ou de se les cailler dans la neige, et du tout je peux voyager léger.

Je poursuis le long de la rivière Una jusqu’à Kulen Vakuf et Martin Brod, ça fait plaisir d’être paumé dans la campagne et d’enfin profiter du paysage. Le bitume est en plus en bon état et les quelques villages traversés méritent tous leurs pauses photos.

 

 

Il n’y a pas un chat, personne avec qui discuter… On dirait presque un village fantôme ! Finalement je rencontre quand même quelqu’un, un suisse en vélo qui part pour faire la route de la Soie… Une rencontre improbable ici, mais c’est toujours sympa d’avoir quelqu’un à qui parler et partager son pique-nique !

Puis je met le cap sur Bosansko Grahovo et les montagnes… Pour l’instant du goudron mais ma carte m’indique une petite route pittoresque pour aller jusqu’à un lac (Šatorsko jezero)… J’ai bien envie de savoir ce que veut signifie « pittoresque » pour les bosniens !

Le début est parfait, une toute petite route de montagne où on slalome entre les brebis et les vaches avec une vue splendide sur les sommets… On se sent vraiment seul au monde, pas une voiture, bientôt très peu de fermes, la route semble filer à l’infini sur cet immense plateau…

Puis le bitume disparaît et laisse la place à une piste très roulante et rectiligne, bien terrassée mais absolument casse-gueule malgré les apparences. La fonte de la neige fait que le chemin est recouvert d’une fine couche de boue rendant l’accroche des pneus compliquée, malgré leurs profil tout-terrain… On aimerai mettre du gros gaz dans cette ligne droite mais mieux vaut rester prudent, surtout que la neige la recouvre encore partiellement. Alors on fait une pause photo, on admire le paysage… Et on dégonfle les pneus !

 

 

Un panneau sur ma droit m’indique la direction du lac, au moins je ne suis pas paumé… Le seul soucis c’est que la route se recouvre totalement de neige et qu’il n’y a absolument aucune trace d’un quelconque véhicule. Bon je n’ai pas fait tout ce chemin pour rien donc j’y vais quand même ! Originaire de Sète, patrie de Georges Brassens, je vous confirme que « quand on est con »… Et bien on est vraiment con ! Insister sur une route déserte et enneigée, seul, sans personne à la ronde pour m’aider, en sachant qu’il reste encore 500m de dénivelé positif à faire et que donc plus loin ça sera forcément pire… Georges a raison, je suis con ! Mais un con heureux parce que même si c’est dur dans la neige, avec la lourde Ténéré, je suis dans un environnement absolument sublime.

Au bout d’un moment je dois quand même réaliser qu’avril c’est trop tôt pour rejoindre le lac… J’ai déjà pas mal lutter mais là ça commence à devenir n’importe quoi… Je pose la moto dans la neige (impossible de béquiller) et continue à pieds sur quelques dizaines de mètres… J’ai de la neige jusqu’au genoux et il reste encore 5 ou 6 kilomètres pour arriver au but… C’est très clair, la bécane n’y arrivera pas !

 

 

Je vous laisse imaginer la petite séance de musculation pour faire faire demi-tour à la grosse dans la neige… Un pur régal ! Mais on s’en est sorti sans trop de difficulté, et au moins je n’ai pas froid !

Il me faut donc faire le chemin inverse mais vu la beauté des paysages ce n’est vraiment pas une corvée. J’abandonne définitivement l’idée de voir le lac… Avril s’était vraiment trop tôt !

Cap sur Livno où je décide de m’arrêter pour la nuit dans le seul hôtel de la ville… Pas vraiment un endroit très vivant, il n’y a rien à faire le soir et j’ai même du mal à trouver un resto potable d’ouvert. La suite du voyage m’amènera plus au sud, vers l’Herzégovine, avec surement moins de neige !

 

L’itinéraire de l’étape

 

3 réflexions au sujet de « Hivernale Bosnienne – Episode 1 »

  1. Victoire dit :

    Très belle écriture, agréable….

    Répondre
    • xt1200z dit :

      Merci, c’est toujours un plaisir de partager mes voyages 😉

      Répondre
  2. Daniel dit :

    Magnifique!

    Je viendrais vers toi pour des infos, je suis sur le coup.

    Bravo pour l’écriture!

    V

    Daniel

    Répondre

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