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La Conquête de l’Est – 3 – Galères Bulgares

L’étape précédente fût dantesque en terme de kilomètres et surtout de nombres d’heures avec le cul vissé sur la selle… Nous n’avons même pas remarqué qu’on était rentré en Bulgarie ! Fini les Carpates, en enjambant le Danube on part vers d’autres massifs: le Grand Balkan et les Rhodopes. C’est ce dernier qui nous intéresse particulièrement, avec la promesse de nous faire rencontrer la Bulgarie profonde, ses habitants et surtout ses routes… Comment dire… Surprenante !

Mais avant de partir tutoyer les sommets il nous faut reprendre des forces… Ce soir pas de bivouac mais un lit et un toit chez Krazimir, un couchsurfeur bulgare (prof d’espagnol et de français) des plus sympathique. Malgré la fatigue nous restons des heures à parler de voyages, de son pays, ses coutumes, sa gastronomie… Avec le yaourt bien sûr, servi à toutes les sauces et à tout moment de la journée ! Couchsurfing c’est aussi ça, des moments d’échanges et de partages en toute simplicité avec des gens simples, authentiques. Et cela fait aussi du bien de briser la solitude du bivouac !

On serai bien resté chez Krasimir à refaire le monde… Mais dès le lendemain il nous faut reprendre la route ! Tout droit vers le sud, la ville de Kardjali et les montagnes des Rhodopes. On alterne entre routes viroleuses et plaines désolantes d’ennui, mais ce qui nous occupe le plus c’est d’éviter les trous !! Quelques fois on s’étonne de voir les bulgares rouler aussi doucement, on double s’en comprendre pourquoi à 90 km/h et on rentre dans un trou où on pourrait ensevelir une 1200 GSA avec armes et bagages… A chaque fois on se dit que l’on a désintégré la fourche, on ralentit… Et 5 minutes après on oubli et on refait la même ! Bon, sur un trip aussi long on ne peut pas être attentif à 100% toutes la journée, il y a bien des moments de rêverie et il faut accepter de se faire secouer de temps en temps !

Les pauses cafés n’ont rien de bucoliques mais au moins elles sont authentiques, extrait des villages « glamour » traversés:

 

 

Il nous faudra rouler slalomer entre les trous pendant 300 kilomètres avant de voir enfin les Rhodopes… Mais pour les explorer on attendra demain, on va d’abord se trouver un petit coin tranquille pour bivouaquer. Nous trouvons notre bonheur quelque part entre Kardjali et Smolyan, en pleine « pampa » bulgare. Une piste mène à quelques fermes, il y a des champs et largement la place pour une tente et deux motos… ça tombe bien on rencontre des gens du cru, on va donc leur demander si ça dérange de camper ici… On tente en anglais, en français, en italien, avec des mots de toutes les langues et des mimes des plus absurdes… Ils ont l’air de bien se marrer mais pas de nous comprendre ! Pas facile de communiquer avec les bulgares ! On campera quand même, notre présence n’a pas l’air de vraiment les importuner.

Ce soir on sort le tarp pour s’abriter du vent et on monte un camp bien « cosy » pour passer une bonne soirée. Le soleil se couche sur la campagne bulgare et on peut se dire qu’on est doué pour dénicher de bons spots de bivouac…

 

 

Après une bonne nuit de sommeil sous la tente il nous faut repartir vers des aventures nettement plus trépidante. Si hier on roulait sur des routes plutôt correct on sent que l’on est rentré dans une région reculée et loin des grands axes du pays… Le bitume semble dater de l’époque stalinienne, et les camarades bulgares n’ont pas dû avoir le temps de l’entretenir depuis ! Il en manque des plaques entières, et les trous sont maintenant suffisamment profond pour y enterrer des corbillards entiers… Mieux vaut être concentré et anticiper plutôt que de rentrer dedans ! Les suspensions tapent dans tous les sens et la progression ralentit nettement, fini les étapes de 400 kms et bienvenue en Bulgarie !

 

 

On trouve un abri-bus pour notre pause pique-nique mais on va faire vite car l’endroit ne met pas vraiment à l’aise. Déjà parce que la tôle de l’abri est criblée d’impact de balles, et entre les trous les habitants du villages affichent les annonces funéraires avec des photos noir et blanc en format A4 des personnes décédées… Plus glauque tu meurs ! L’apothéose c’est cette femme complètement ivre et édentée qui nous supplie de lui donner de l’alcool… On va donc vite finir nos sandwichs pour éviter de se faire tirer dessus après avoir refusé de servir l’apéro à cette brave dame !

 

 

 

En quittant ces lieux maudits je vais faire une erreur que je ne referais plus jamais lors de mes roadtrips: me fier à un GPS. Disons que c’est pratique, ça évite de réfléchir à l’itinéraire… Mais je pense que de temps en temps c’est pas mal de laisser brancher le cerveau et de réfléchir !

L’idée c’est de rejoindre le village de Trigrad et ses fameuses gorges, le GPS veut absolument nous faire passer par le village de Mugla mais ça sent un peu l’embrouille… On traverse un bled hors du temps, avec des fermiers en tenues traditionnelles qui travaillent dans des champs collectifs, tout le monde nous regarde passer avec un air surpris… Comme si personne n’était jamais passé par là avant ! Et ça aurait dû nous mettre la puce à l’oreille. Le bitume disparaît définitivement, mais il vaut mieux rouler sur la terre que sur du goudron défoncé.

 

 

Le GPS nous dit de tourner à gauche alors bêtement on s’exécute… Bon c’est quand même bizarre parce que la piste est de plus en plus pourrie… En sachant que c’est un GPS de voiture on se demande si une bagnole « lambda » s’embarquerai là-dedans… Au vu des éboulements la réponse est non, une voiture ne passerait pas ! D’ailleurs il y a à peine la place pour nos bécanes, et comme on est un peu bête et qu’on met du temps à flairer l’embrouille on persiste dans notre connerie

 

 

Et puis une nouvelle galère qui elle ne pourra pas être contournée… Un arbre est couché en travers de la route ! Mais cela ne nuit pas à notre optimisme, quelques pierres pour faire une rampe, un maximum d’huile de coude et les motos seront de l’autre côté… Sylvain, qui est plus grand que moi, fait passer les motos. Elles arrivent à monter sur la rampe mais se posent sur le tronc, coincées par le sabot moteur… Avec mes petits bras musclés je force comme un russe pour qu’elles passent… Et avec de la persévérance on y arrive ! A ce moment là on est encore fier de nous !

 

 

On repart le moral gonflé à bloc après avoir passé cette épreuve… Un moral qui retombe aussi sec dans nos chaussettes après à peine 200m… La route que l’on suit doit passer par dessus une rivière mais il n’y a pas de pont !!! Même pas un vestige qui traîne, à mon avis il n’y a plus rien ici depuis des lustres… Mais qu’est ce qu’il imaginait ce GPS ??? Que j’allais construire un pont pour passer ?! Cela parait aberrant qu’il connaisse cette piste, elle ne doit mener à rien depuis des décennies… Mais pas le temps de désespérer, on doit faire demi tour, repasser le tronc d’arbre (au prix d’une deuxième séance de muscu) et trouver une solution pour arriver malgré tout à Trigrad.

On remonte au croisement où se foutu GPS nous avait gentiment proposé de tourner à gauche… Pour la suite de l’aventure on prendra donc à droite et le GPS ira continuer ses conneries au fond d’une valise, hors de question qu’on se fit à lui à l’avenir !

Après quelques mètres on croise un camion, le conducteur n’en revient pas de nous voir. On se pousse au maximum contre la falaise, son poids-lourd passe au ras du précipice… La manœuvre est tendue mais il veut discuter avec nous. Extrait d’une discussion sans queue ni tête, en mixant le bulgare, l’anglais et le mime:

« Vous allez où les gars ? Vous êtes perdu non ?! »

« On va à Trigrad, c’est par là non ? »

« Non surtout pas, c’est l’autre piste ! »

« Non, on en vient et le pont est … Kaput ! »

« Le pont est Kaput ? Alors ok passez par là mais……… Bon courage !! »

On lit dans ses yeux qu’il ne croit pas trop à la réussite de notre périple… A croire qu’il se demande même si cette piste mène quelque part ! Mais on a pas le choix, c’est ça ou faire demi-tour… Et au pire si on tombe dans un cul de sac on pourra toujours camper sur place ! Si la piste est difficile au moins c’est beau !

 

 

Il faut dire qu’avec Sylvain nous n’avons quasiment aucune expérience en tout-terrain, et surtout pas avec nos mastodontes chargés à bloc… On subit à chaque trous, flaques de boue, passages pierreux… La piste est défoncée, on se fait secoué dans tous les sens et je manque de me sortir plusieurs fois ! La galère dure toute l’après-midi et comme on ne sait pas où on est le doute s’installe peu à peu… Ce qui serait bien s’est de sortir de là au bout d’un moment, histoire de ne pas se faire dévorer par les loups !

A force de persévérance on tombe sur un champ avec un fermier au milieu, si il y a un signe de vie alors on est sauvé… Un village ne doit pas être trop loin ! Euphorique je m’élance dans le champ comme un dingue pour aller à la rencontre de notre sauveur et forcément je me gaufre dans une ornière… Bonjour la présentation, le sous-doué de la Baroude !

 

 

Ce brave monsieur est médusé par notre arrivée, il ne doit pas y avoir souvent du passage et surtout pas des motos ! Mais il nous indique la route mieux qu’un GPS, en traçant un itinéraire sur le sol, il nous donne même les distances ! En gros à peine quelques kilomètres et nous sommes sauvés ! Enfin c’est vite dit, car la fin est encore plus hardcore avec une sorte d’escalier dans la roche… Les motos font des bonds et la Ténéré s’écrase sans arrêt sur le sabot moteur ! Vivement que ça se finisse avant que je pulvérise la moto sur ce chemin !

On retrouve le bitume avec joie, l’itinéraire du fermier s’est avéré bien plus précis que notre GPS et je pense qu’il nous a évité bien des galères ! Pour « fêter » le retour à la civilisation on se trouve un petit bistro/supérette dans le premier village venu. Comme d’habitude les gens sont sur le cul de nous voir débarquer sur les motos avec nos équipements de Goldorak et nos gueules couvertes de terre et de poussière… Là les aventuriers font un peu pitié tout de même, nos traits sont tirés et on sent vraiment la fatigue de la journée…

Pas facile la vie d’apprenti baroudeur… Surtout que l’orage menace…  En ville un hôtel nous tend les bras, et si pour une fois on se faisait un petit plaisir ? 15€ pour 2 personnes, et l’occasion de prendre une douche chaude et de laver ses vêtements ? Ça ne se refuse pas !

Ce soir on se paye donc la vie de château, une belle piaule et un repas au restaurant  pour fêter notre « dépucelage du tout-terrain » en regardant l’orage éclater… On est quand même bien à l’abri des éléments !

Finalement on ne s’en tire pas trop mal, le sabot moteur de la Ténéré est tordu dans tous les sens mais on a rien cassé et les pilotes sont indemnes. Quand j’y pense on est un peu con… La plupart des gens sains d’esprit se serait entraînés en tout-terrain avant ce genre de trip… Nous on a choisi de faire notre initiation sur le tas, sans GPS (au fraise), sans carte (idem) et sans assistance ! Comme quoi l’optimisme et la naïveté c’est comme le Redbull… ça donne des ailes !

 

Vous en voulez encore ?? Cliquez ici pour lire la suite !

 

 

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