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A la découverte du Caucase – 3 – Cap vers le sud

Après un premier bivouac arménien réussi, je démarre une nouvelle journée de route avec pour objectif le monastère de Tatev et la frontière iranienne à l’extrême sud du pays. Comme d’habitude je serai accompagné d’un soleil de plomb et d’un ciel bleu qui ne semble vouloir faire aucun compromis avec les nuages…J’attaque cette nouvelle étape en étant parfaitement reposé, j’ai dormi comme un bébé dans mon bout de steppe… Il n’y avait pas un bruit, il faisait bon… Le côté « zen » de l’Arménie se ressent sur ma conduite. Ici rien ne sert de se presser, je roule « à la cool » et je profite du paysage.

Comme j’ai le temps je tente un petit détour par la ville de Jermuk, réputée pour ses cures thermales et dont certaines personnes m’ont conseillé la visite. Une fois sur place c’est un peu la déception… En fait il n’y a rien à visiter, les lieux sont assez quelconques… En fait, comme d’habitude, le plus intéressant reste le panorama qu’offre la route qui surplombe le canyon de l’Arpa. Avec cette chaleur et l’aridité du paysage il est difficile d’imaginer que je suis à plus de 2000 m d’altitude !

 

 

Je franchis le col de Vorotan qui, avec ses 2344 m d’altitude, permet de rafraichir le pilote et la machine. La « porte » au sommet fait immédiatement penser à la route de la Soie, nous sommes ici sur une terre de passage entre l’ancienne Perse et l’Europe. Si aujourd’hui les caravanes ne sont plus d’actualités, cette axe est toujours très fréquenté car il s’agit de l’unique route permettant de relier la Russie à l’Iran.

 

 

 

 

Le versant sud offre un point de vue intéressant sur le lac de Spandaryan, et j’y fais la rencontre d’un étonnant groupe de motards: la bande de Kulturide. Des baroudeurs roumains qui partent à l’assaut des « Stans » et de la Mongolie, aux guidons de Yamaha bricolées aux looks plus qu’improbables ! Une rencontre inattendue mais bienvenue, qui me permet de rompre un peu avec la solitude du voyage. On a forcément plein de choses à se raconter, des infos intéressantes à échanger… Et on aurait même pu partager un bout de chemin car nos routes sont exactement les mêmes: tout droit vers le sud et la frontière iranienne. Le seul hic c’est leur rythme, ils semblent très préoccupés par leur planning qui ne laisse pas de place à l’improvisation et aux visites… Et je n’aime pas les voyages trop cadrés, nous reprendrons donc la route dans la même direction mais chacun sur son rythme.

Vous pouvez voir leurs aventures sur le blog Kulturide.

 

 

 

 

Je m’arrête à Shaki pour une pause repas et laisse mes compagnons de route filer vers le sud. Il est assez dur de trouver de quoi pique-niquer en Arménie, les commerces sont rares et généralement ils ne vendent pas ou peu de produits frais… En fait on y trouve surtout des cochonneries à grignoter, des chips, des gâteaux… Beaucoup de sodas et forcément de l’alcool. Pas facile donc de se faire un vrai repas, pour ça il faut se tourner vers les restaurants qui sont finalement très bon marché ! Aujourd’hui ça sera une copieuse assiette de côtelettes d’agneau au barbecue avec café, boisson… Le tout pour moins de 5€ ! Vraiment je ne vois pas pourquoi j’irai manger une mauvaise tranche de jambon sur le bord de la route quand je peux avoir un bon petit plat pour le même prix !

C’est donc le ventre bien plein que j’attaque la descente dans le canyon de Tatev… Avec la chaleur gare à la somnolence ! Heureusement il n’y a personne sur la route, son état étant très dégradé les automobilistes et les bus se garent en haut et prennent un téléphérique pour aller au monastère. Perchée à plus de 1500 m d’altitude, les « Ailes de Tatev » donnent un point de vue impressionnant sur toute la vallée…

Les six derniers kilomètres ne sont pas bitumés et j’ai droit à une piste assez désagréable avec son effet de « tôle ondulée »… Au détour d’une épingle je retrouve Markus, le suisse que j’avais rencontré la veille à Khor Virap. Il se fait une petite séance photo en solitaire, sa femme est restée dans leur guest-house… Apparemment fatiguée par l’accumulation des kilomètres et les mois passés au guidon de sa moto. On peut la comprendre ! Je le laisse à ses clichés et file visiter le monastère en laissant mes affaires à leur chambre d’hôtes.

 

 

 

 

Tatev est le monastère le plus important du sud du pays, et une attraction touristique majeure en Arménie. Sa construction à flanc de falaise impressionne et donne un point vue unique sur le canyon du Vorotan. Je profite de la quiétude des lieux pour m’offrir un peu de calme après des heures passées sur la moto…

 

 

 

La suite de la route semble assez rock’n’roll et mes amis suisses ne sont pas motivés pour se faire secouer aux guidons de leurs motos. Je les laisse donc recharger leur batteries près de Tatev, après des mois sur la route je comprends qu’ils n’aient pas envie de chercher des ennuis alors que leeur voyage touche à sa fin.

C’est seul que je m’élance sur les 40 kilomètres de pistes qui me sépare de Kapan. Une heure de tout-terrain qui ne présente pas de difficultés particulières mais les quelques villages traversés semblent bien isolés dans la montagne… L’hiver ils doivent être quasiment coupé du monde, où alors les habitants roulent en chars d’assauts !

La steppe laisse la place à des montagnes boisées, ça fait du bien de retrouver un peu de verdure et de fraicheur…

 

 

 

Kapan est la capitale de la région du Syunik, la partie méridionale de l’Arménie qui est « coincée » entre l’Azerbaïdjan (à seulement 1 km), l’enclave azérie du Nakhitchevan et l’Iran. Avec ses 45000 habitants on y retrouve quelques repères citadins, des supermarchés, des restaurants… Et même une boite de nuit ! Mais tout à un air « vieillot » et décrépi, sa proximité avec le Haut-Karabagh et son conflit a considérablement freiné le développement économique de la région… Ici on se sent bien loin d’Erevan !

Mais les ambiances citadines ne sont pas ma tasse de thé, je préfère m’extirper au plus vite de l’agitation de Kapan pour retrouver la campagne et la route M2 qui mène à Meghri. A force d’errer dans la montagne je finis par trouver un petit coin tranquille pour bivouaquer. Comme l’accès est très compliqué je me dis que je serai probablement tranquille par ici ! Un coin d’herbe au bord d’une rivière, parfait pour faire de beaux rêves !

Je profite d’avoir un peu d’eau à proximité pour enfin prendre une douche… Après deux jours de moto en plein soleil ce n’est pas un luxe, je finissais par ne plus supporter ma propre crasse !

Allongé dans l’herbe, je contemple le ciel étoilé en pensant à mon voyage… En roulant tous les jours on ne se rend pas toujours compte de l’éloignement, mais la prise de conscience arrive tôt ou tard… Perdu au fin fond de l’Arménie, je bivouaque à quelques kilomètres de la frontière iranienne… Et soudainement j’ai comme l’impression d’être très loin de la maison !

 

 

 

Le lendemain j’ai pris la direction du sud et de l’Iran, par la route principale. Il n’y a pas grand chose à voir ni à faire sur cet itinéraire, si ce n’est qu’avec un col à 2535 m d’altitude il y a largement de quoi ravir les motards ! En plus le bitume n’est pas en si mauvais état…

En arrivant à Meghri je pensais voir une grande ville, mais pas du tout. En fait il n’y a quasiment rien sur place à part quelques bars et restos… Et la frontière, alors je ne m’attarde pas. Je récupère la M17 qui est l’axe secondaire pour retourner sur Kapan, et qui permet de faire une boucle de 160 kms dans le parc national d’Arevik. Si la route est belle on ne peut pas dire qu’elle ai un intérêt touristique majeur… Rien à visiter, pas de monastère, pas de vieille forteresse… Mais j’ai quand même réussi à mettre un peu de piment dans ma journée.

La frontière iranienne possède un impressionnant dispositif de barbelés électrifiés… Je sais qu’il est interdit de prendre ce genre de choses en photo mais j’ai l’impression d’être seul dans le coin, à l’abri des regards et des miradors. Alors je sors discrètement mon appareil pour faire quelques clichés « volés »… Quand, tout à coup, deux militaires ont surgi de derrière un buisson pour m’arrêter ! Bon, avec ma bonne tronche j’ai réussi à les dérider un peu… Ils auraient largement pu m’embarquer en garde-à-vue, voir détruire mon matériel de photo… Mais après m’être expliqué et avoir arrondi les angles je m’en suis tiré pour une simple suppression des clichés et une bonne remontrance ! J’ai eu chaud… Mais je n’ai quasiment aucune photos du parc d’Arevik à vous montrer !

 

 

 

Une fois de retour à Kapan je mets le cap au nord vers Goris et remarque une nouvelle « excentricité » de la géographie arménienne. En fait la route M2 fait une bifurcation de 4 kms en Azerbaïdjan, sans poste frontière ! Encore une zone sécessionniste que personne ne surveille et où on peut faire un peu n’importe quoi… En gros on rentre illégalement en Azerbaïdjan mais tout va bien ! Sur place tout le monde est détendu, paisible… Donc pas la peine de se prendre la tête.

Peu après mon excursion illicite je rencontre un cycliste français qui arpente les montagnes du Caucase. Loïc vit sur la route depuis 5 ans maintenant, sans plan particulier si ce n’est le but d’atteindre la Nouvelle-Zélande… En gros mon voyage a des allures de balade dominicale à côté de son périple ! Si vous voulez lire ses aventures, vous trouverez le lien de son blog ici

On rigole des conditions de notre rencontre, difficile d’imaginer croiser un compatriote sur ces routes arméniennes que personne ne fréquente… Pourtant on est jamais vraiment seul au monde et la Terre est bien petite en réalité !

 

 

 

Je termine ma journée sur le site archéologique de Zorats Karer, souvent appelé le « Stonehenge » arménien par les sites touristiques… Qui s’enflamment un peu. Le site est certes intéressant mais rien de comparable à Stonehenge !

En fait il s’agit d’une zone composée de pierres verticales avec des trous qui servaient d’observatoire astronomique et de lieu de culte il y a 8000 ans. Si ce n’est pas visuellement impressionnant, l’authenticité du site et sa conservation surprennent  !

 

 

 

Sur place je fais la rencontre de Lee, un anglais pour le moins excentrique qui voyage au volant d’un van 4×4 et qui vadrouille comme moi dans le Caucase. Le courant passe vite entre nous et il me propose rapidement de bivouaquer ensemble. C’est donc accompagné de mon ami d’un jour que je me mets à la recherche du campement parfait pour la nuit… Quand il plante son véhicule dans un fossé en tentant une marche arrière !! La tuile… Le véhicule est complétement bloqué malgré tous nos efforts ! L’ajout de pierres sous le bas de caisse, l’huile coude…Rien ne bouge ! Mais même au milieu de nulle part on est jamais seul dans le Caucase, et ici le mot entraide prend tout son sens. Il suffira qu’une voiture passe, que son conducteur appelle quelques copains… Et on s’est vite retrouvé à tout une armée pour sortir le van du fossé !

 

 

 

Et après l’effort… Le réconfort d’un bivouac paisible au milieu de la steppe et d’une bière fraiche partagée avec un compagnon de voyage.  Un calme à peine troublé par le passage d’un berger venu nous saluer avec ses vaches, et nous souhaiter bonne nuit. Oui la nuit sera bonne, ce soir mon hôtel a 1000 étoiles au dessus de ma tête et il me promet de rêver d’encore plus d’aventures.

 

 

 

Cela fait 13 jours que je roule non-stop et je commence à être bien habitué à ma tenue Clover. Pour l’instant les conditions ne sont pas très variés, il fait 35°c tous les jours et pas une goutte de pluie… Mais dans cette fournaise la tenue s’en sort plutôt bien, notamment avec les ventilations de la veste qui sont très efficaces et évitent de trop transpirer… Et croyez moi, quand on se douche une seule fois par semaine ça compte ! Le pantalon est moins ventilé mais il se supporte bien, la légèreté du tissu évite la sensation de porter une combinaison de ski et on ne cuit pas à l’intérieur… Même si je préférerai rouler en short je l’avoue !

Peux-être qu’en Géorgie j’aurai des conditions plus fraiches, avec une altitude élevée et un climat plus humide… Le test doit se poursuivre !

 

 

 

 

 

 

Une réflexion au sujet de « A la découverte du Caucase – 3 – Cap vers le sud »

  1. Tamasheq dit :

    Merci pour ce récit

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