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A la découverte du Caucase – 7 – Au sommet de la Svanétie

Le jour se lève sur mon bivouac… Mais pas sur celui de Serguei, apparemment on ne peut siffler une bouteille de rouge la veille et se lever tôt pour barouder. Dans la vie il faut faire des choix, sa femme et lui on fait celui de la grasse matinée !

C’est donc seul que je me lance sur la piste d’Ushguli, un itinéraire 4×4 très réputé en Géorgie car menant à ce qui est surement la région la plus typique du pays : la Haute-Svanétie. 100 kms de tout-terrain dans les plus hautes montagnes du Caucase, avec des sommets plus élevés que notre mont Blanc national… Ça laisse rêveur ! Surtout qu’un beau soleil m’accompagne, la journée idéale pour profiter de ces belles montagnes

 

 

 

 

Le début est plutôt facile, c’est d’ailleurs là qu’on croise le plus de villages même si « village » est un bien grand mot… Disons quelques ensembles de fermes disséminées le long de la route, ne cherchez pas de commerces ou de bistros il n’y en a pas ! Il s’agit d’une des vallées les plus isolée du pays, et l’état délabré du « réseau routier » empêche clairement tout développement. Sur mon chemin je croise un couple de russes (encore un !) en TDM 900, tous les deux équipés en motards citadins… Pour le look d’aventurier on repassera mais ils ont quand même fait la piste d’Ushguli à deux sur leur routière ! Chapeau bas, même si madame n’a pas l’air ravi de son expérience…

Après Zhakhunderi l’affaire se corse quelque peu… La piste s’enfonce dans la forêt, on y voit pas grand chose et surtout pas les nombreuses flaques de boues qui jalonnent le parcours. Sans équipement spécifique mieux vaut adapter l’allure, au risque de quitter la route et de finir dans le torrent !

 

 

 

 

Je retrouve avec émotion le petit village de Tsana où j’avais dormi il y a deux ans, dans ce qui est surement la chambre d’hôte la plus rustique du monde ! A l’époque la piste m’avait épuisé. J’avais quasiment fini de nuit, j’étais tombé plusieurs fois… Rien à voir avec aujourd’hui, où je me balade tranquillement avec un soleil radieux et l’esprit tranquille !

Tsana a beau être en plein sur la route d’Ushguli, le développement touristique du village laisse à désirer… Il faut dire que la route se dégrade nettement après, et dans ces conditions il est difficile de pouvoir attirer le grand public. Mais j’aime la simplicité des lieux et son charme désuet… Difficile de faire plus tranquille que ce village perdu au milieu des plus belles montagnes du Caucase.

 

 

 

 

J’attaque l’ascension sur un terrain quelque peu chaotique, avec beaucoup de pierres, de trous… Et de belles épingles pour pimenter le tout. Rien d’insurmontable, juste de quoi me faire transpirer ! Oui, même à cette altitude et fin septembre on arrive quand même à avoir des coups de chaud… L’été n’en finit plus dans le Caucase !

Mais les difficultés sont vite passées et je peux enfin profiter de la superbe vue sur les glaciers… Les montagnes qui m’entourent sont plus hautes que le Mont Blanc et le col doit bien être à 3000 m, me voila seul à profiter de ce spectacle grandiose…Je voudrais pouvoir rester là des heures à admirer la vue sur les glaciers !

 

 

 

L’arrivée sur Ushguli est tout simplement magique, au bout de cette longue piste on aperçoit d’abord les tours de garde… Puis c’est tout le village médiéval qui se révèle, comme inchangé par le temps et les époques. La région a connu le royaume de Géorgie, l’empire russe des tsars, l’occupation communiste… Mais même en 2018 la Haute-Svanétie semble inaltérable, comme si l’isolement de ses montagnes et la rudesse du climat la protégeaient des influences extérieures.

Culminant à 2200 m d’altitude, Ushguli est la plus haute commune d’Europe. En plein cœur du Haut-Caucase, situé au pied du mont Chkhara (5193 m), le village est généralement bloqué par la neige 6 mois par an… Et quand on voit l’état de la seule route qui y mène on comprend pourquoi il n’y a pas de service de déneigement !

La fonction guerrière des tours qui caractérise tous les villages et hameaux de Svanétie rappellent aussi que la région n’était pas uniquement rude à cause de son climat. Les guerres furent légions ici… Russes, géorgiens, abkhases… Tous ont tenté de soumettre les svanes, souvent en vain… Mais les conflits avec les « étrangers » n’étaient pas les seuls, les luttes internes étaient aussi nombreuses et ce jusqu’en 2004 ! Depuis la Svanétie s’est largement pacifiée, les chefs de clans et de mafia ont laissé leur place aux tour-operators et Ushguli s’ouvre enfin au monde extérieur.

 

 

 

 

J’aimerai pouvoir me balader pendant des heures dans ces ruelles minuscules… Mais malheureusement il me faut poursuivre ma route car 45 kms me séparent encore de Mestia, la capitale de Svanétie. C’est l’accès le plus simple vers Ushguli, peut-être même trop facile vu le nombre de mini-bus de touristes qui l’empruntent et me recouvrent de poussières sur leur passages. Pour éviter le désagrément il n’y a guère de solution à part rouler plus vite qu’eux… Et limiter les pauses photos au minimum. En même temps rien de grave, ce n’est pas la partie la plus sauvage et la plus intéressante de la route.

La fin du parcours me réservera quand même quelques surprises, comme ces immenses flaques de boues (parfois longues de 200 m !) dans lesquelles je tente d’éviter la noyade ! Les deux pieds sortis pour tenter de tenir la bête, une vitesse de croisière tellement élevée qu’un piéton pourrait me doubler… Heureusement que le ridicule ne tue pas, par contre l’eau ça mouille et la boue ça colle au motard ! Une fois au camping de Mestia j’avais un peu honte de mon look de vieille serpillère dégueulasse… Mais l’aventure ça laisse des traces, à l’âme et aux vêtements !

 

 

 

 

Mestia regorge de petits camping chez l’habitant, une solution pratique pour tout baroudeur qui aurait besoin d’une douche et d’un peu de confort… Et pour à peine 2€ ça ne vaut pas le coup de faire le radin !

 

 

 

 

Après une bonne nuit de sommeil me voila d’attaque pour reprendre la route… Un peu comme tous les jours en fait. Les kilomètres s’enchainent, les étapes s’accumulent mais rien n’entame mon envie de rouler.

Je rencontre Tatiana et Andrey, deux jeunes russes venus en Géorgie au guidon de leur fier Honda CB400 et son équipement minimaliste. Ils n’ont pas l’habitude de faire de longs voyages en moto, ni même l’équipement adéquat, mais ils roulent sans se poser de questions et avec un maximum d’enthousiasme ! C’est l’occasion de partager un café avec des voyageurs… Et de reporter l’heure du départ à midi, aujourd’hui j’ai envie d’être à la bourre !

 

 

 

 

Après plusieurs cafés je finis enfin par me lancer sur la route des gorges de l’Enguri, un itinéraire qui n’a rien à voir avec celui d’Ushguli. Un bitume parfait, des virages jusqu’à l’overdose avec la vue sur le canyon et son eau turquoise… Bref, on se croirait dans les gorges du Verdon ! Cela fait du bien de rouler sans réfléchir aux trajectoires, aux pièges, aux flaques de boues et autres ornières… Après avoir fait autant de tout-terrain on apprécie de retrouver un peu de bitume.

 

 

 

 

Puis c’est l’arrivée à Zugdidi et le dur retour à la « civilisation »: des villes au trafic surchargé, des grandes surfaces, du bruit et de la pollution… Ça ne m’avait pas manqué du tout ! Mais malheureusement je n’ai pas le choix. Il me faudra prendre mon mal en patience pendant 100 kms sur une nationale affreuse, bloqué derrière les camions, avant de retrouver un itinéraire bucolique à travers champ. Et quand je dis bucolique sachez que le terme à un autre sens en géorgien !

En fait un itinéraire bucolique, ici, ça veut dire « n’y va pas ça sent l’embrouille »… Comme j’ai décidé d’arrêter de suivre les panneaux pour m’orienter dans la campagne avec ma carte routière, j’ai fini par perdre ma route et le bitume ! Alors, pour rattraper mon erreur, me voila obligé de naviguer « à vue » dans la montagne… En essayant tant bien que mal de ne pas me perdre pour de bon !

Et puis, soudainement, le drame… Une belle côte à grimper avec moult pierres et le manque de concentration caractéristique de la fin de journée… Je me lance dedans sans vitesse, en sous-régime et avec l’antipatinage réglé au max… Du coup j’ai calé !
Sans aucun grip, la moto est repartie en marche arrière tout en glissant… Et en m’éjectant au passage ! Quelques roulades plus bas, je constate les dégâts… Rien de bien méchant, simplement la valise droite un peu plus tordue que d’habitude…

Je relève la moto et repars tant bien que mal dans la pente, mais 500 m plus loin je chute à nouveau en essayant d’éviter un 4×4 dans un pierrier… Sur le moment j’ai envie de disserter sur le sens du terme « itinéraire bucolique » en géorgien, qui semble synonyme d’une expression bien connue chez nous: « en chier comme un russe » ! Quelques locaux viennent me proposer une aide à base de vodka, comme si je n’avais pas assez de difficulté… Allez, finis les conneries et la philosophie, il faut que je sorte de là !

 

 

 

 

Je pense que j’ai ma dose de péripéties pour aujourd’hui, il est tard et je manque trop de concentration pour poursuivre… Alors je me trouve le premier coin d’herbe pour planter ma tente, et cet abris bus paumé en pleine montagne fera l’affaire… Le coin est tranquille, c’est plat et il y a même une petite rivière pour prendre la douche… Et croyais moi j’en ai besoin !

Le reste de mon périple géorgien attendra demain, il y a un temps pour barouder… Et au autre pour le repos du guerrier !

 

 

3 réflexions au sujet de « A la découverte du Caucase – 7 – Au sommet de la Svanétie »

  1. Zigzag dit :

    En un mot…..GENIAL  😉

    Hâte de  lire la suite !!!

     

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    • xt1200z dit :

      Merci, la suite arrive 😉

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  2. avril thierry dit :

    SUPERBE !!!! tu as du te régaler et quels beaux souvenirs 🙂

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