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Géorgie On My Mind – 1 – En route vers le Caucase

Le Caucase… L’idée d’une terre lointaine, de montagnes inaccessibles, de vodka qui coule à flots… De quoi alimenter l’imaginaire du motard aventurier (du dimanche) que je suis ! S’était l’un de mes rêves de roadtrip en moto, et maintenant c’est un souvenir de voyage ! Début septembre 2015 je me lançais pour un mois de bécane, 11687 kms de bonheur pur sur les routes de Géorgie…Mais rouler en Géorgie ça se mérite… Vu la distance, une grande résistance à l’ennui sur lignes droites et une volonté de fer sont nécessaire pour accepter de faire les 4000 kilomètres qui me séparent de la frontière géorgienne ! Pour commencer il y a 800 bornes d’autoroute jusqu’au lac de Garde, où mon voyage démarre vraiment. L’occasion de tester mon matériel de bivouac sous un premier orage, après avoir trouvé un coin tranquille pour dormir entre deux vignes. Je monte le camp en catastrophe sous des trombes d’eau, et malgré ma rapidité je fini trempé comme une serpillère dans ma tente… Le trip commence bien…

 

 

Pour briser l’ennui de l’autoroute j’ai décidé de faire un détour par les Dolomites, histoire de ne pas complètement aplatir mes pneus. Quelques virages dans un monde tout plat… J’enchaîne les cols à bon rythme pour faire sécher mes affaires, Sella, Pordoi, Giau… Mais je dois me résigner à dormir dans un camping ce soir, le bivouac étant interdit et très contrôlé dans la région. En même temps ça sera l’occasion de prendre une douche chaude, ce qui n’est pas un luxe vu les températures hivernales… Le lendemain matin la tente est totalement givrée ! Un bloc de glace pénible à remplier dans son sac, et qui dégorgera de l’eau toute la journée sur la moto… Et dire qu’on est en été !

 

 

La troisième étape sera consacrée à la traversée de l’Autriche et de la Slovénie où je suis attendu par Ester, une jeune couchsurfeuse qui m’hébergera dans sa famille familiale. L’occasion de vérifier, encore une fois, que l’hospitalité n’est pas un vain mot dans ce pays !

Puis encore deux jours de misère autoroutière à vivre, à travers tout le nord de la Croatie, la Serbie et la Bulgarie… Heureusement que ma moto est confortable, mais cela ne m’empêche pas de souffrir du manque de « divertissement » dans le paysage… Champ de patates à gauche, champ de patates à droite… Tout ça sur plus de 1000 kilomètres, et j’exagère à peine !

Je me trouve un petit coin de bivouac en pleine Serbie, aux abords d’une ferme dont les proprios ne comprennent pas trop ce que je fais là… Mais après tout ça les fait bien rire que je campe dans leur jardin ! On essaye de communiquer mais c’est très compliqué, mes hôtes ne parlent pas un mot d’anglais et pour moi le serbe est un mystère… Mais qu’importe, on rigole bien à faire du mime et il me donne l’accès à leur puit ainsi qu’à une cagette de légumes pour ma popote du soir. Royal !

 

 

Au terme de 3700 kilomètres ma persévérance est enfin récompensée… Je suis en Turquie !!

Mais pas encore en Asie, Istanbul est encore à quelques heures et je vais (sagement) faire une halte au camping d’Edirne pour reprendre quelques forces. Pas cher (8€50) et confortable, on y retrouve tous les aventuriers (confirmés ou non) qui se lance à la découverte de la Turquie, sur la route de la Soie,… Sur place je rencontre un allemand dans un 4×4 high-tech, prêt à rouler sur la lune, sur le point de partir en Iran pour 6 semaines.  Sympa, on échange sur nos projets, il me donne quelques conseils… Et on file se coucher de bonne heure car demain une terrible épreuve m’attend: la traversée d’Istanbul !

Les 30 kilomètres d’autoroute intra-muros sont épiques, il me faudra tout une après-midi pour les faire sous un soleil de plomb… Le ventilo de la Ténéré tourne à plein régime, non-stop, le moteur et le pilote sous mis à rude épreuve mais nous survivons… Bienvenue en Asie !!

Une fois le détroit du Bosphore enjambé j’ai enfin changé de continent, une première pour moi sur ma moto… Un moment d’émotion qui marque réellement le début de l’aventure, à partir de là c’est l’inconnu !

Je prend la direction de la mer Noire et trouve un parc d’attraction type OK Corral, avec son décor de far west, roulottes, mini-ranch… Après avoir discuté avec le patron celui-ci accepte que je plante la tente dans un des ranch, je vais jouer au cowboy avec ma 1200 « Jolly Jumper » Ténéré ! Premier resto turque, en bord de mer, pour marquer le coup. C’est l’occasion de voir que dans ce pays on mange bien… Et copieux !

 

 

Puis direction Zonguldak, Bartin,… Le long de la mer noire pour une journée sympa, sur des routes viroleuses avec un bitume plutôt en bon état. Pas de panoramas particulier, ni de choses notables à voir, mais s’est plaisant à rouler… Enfin jusqu’à Bartin ! Là j’ai voulu prendre un axe secondaire, au bord de l’eau, pour éviter une 2×2 voies qui s’éloignait dans les terres. Sur le papier ça paraissait sympa et pittoresque…  Sauf que les embranchements sont introuvables ! Rien ne correspond à ce que j’ai sur ma carte (IGN), les locaux ne semblent pas connaitre la route et ils donnent tous des indications contradictoires ! Voilà la galère… A force d’errer je finis par trouver mon chemin, mi-piste mi-bitume, l’itinéraire passe par toutes les usines et zones industrielles sordides de la côte, derrière des camions pourris qui me recouvrent de poussière…  Tu parles d’une route pittoresque !

Tant bien que mal je retrouve l’axe principal, et un camping pour me reposer et calmer mes nerfs. 5€ douche comprise, pour ce prix là on a même droit au chant du Muezzin à 5h du matin, avec le haut parleur de la mosquée accroché juste au dessus de la tente… Un réveil brutal ! J’ai pas bien compris ce qu’Allah voulait me dire, s’était peut-être important… Mais ça ne m’a pas empêché de me recoucher, faut pas déconner !

Le lendemain il me faut parcourir 450 kilomètres en bord de mer, sur des petites routes de corniche désertes mais au bitume défoncé et glissant sous la pluie… La prudence est de mise, mais je préfère ça aux zones indus ! La pluie m’accompagne une bonne partie de la journée, ce n’est pas un temps à sortir un appareil photo malheureusement… Je fais quand même une rencontre sympa, avec une tortue bien téméraire qui ne semble pas craindre de traverser la route devant une grosse Ténéré lancée à toute vitesse !

 

 

L’orage éclate et je préfère m’abriter à l’hôtel ce soir, un truc assez classe et tout neuf rempli de carde sup’ en déplacement. Je suis mort de rire de débarquer là-dedans sale et trempé, j’en fous partout avec mes affaires… Et puis quel plaisir au petit-déjeuner d’être en « short-claquettes » au milieu des costards !

Le lendemain n’annonce rien de mieux, je comprend vite que pour profiter des charmes de la mer Noire il faudra repasser… C’est avec ma combinaison de pluie, et toutes les écoutilles fermées, que je file plein est sans me retourner. Il n’y a rien à voir avec la pluie alors autant enquiller des bornes. Vu le temps il me faut oublier mon habituel pique-nique du bord de route, à la place je trouve un petit resto de plage. C’est le jour d’ouverture et les propriétaires sont tellement heureux de m’avoir comme premier client qu’ils me préparent un festin de roi pour trois fois rien ! Je goûte tous les plats et dessert, arrosé de çay (le fameux thé turque que l’on trouve absolument partout) et en compagnie de leurs amis. L’hospitalité turque brise la solitude du voyage en moto, et rempli le ventre du baroudeur !

 

 

Même si il n’y a rien à voir ni à faire sur la route avec cette météo, on trouve toujours de quoi s’occuper… Et parfois passer à la pompe permet aussi de faire des rencontres insolites, comme ce motard du cru et son side-car au look bien « rat’s ».

 

 

J’ai pu prendre de l’avance dans mon planning avec toute cette pluie qui m’empêche de sortir l’appareil photo, et finalement je ne suis plus qu’à 1 heure de la frontière géorgienne. Je vais prendre une chambre pour la nuit et me reposer avant d’attaquer vraiment les choses sérieuses…

Le lendemain la frontière est franchie en 15 minutes, sans aucun problème ni contrôle. Me voilà dans Batumi et, enfin, je peux le dire: je suis dans le Caucase !!!

Mon premier geste est de faire le plein et déjà c’est un bonheur… Un prix exorbitant de 0.70€/l de sans-plomb, ça donne envie de rouler ! Je ne fait pas attention et met de l’essence « classique » dans ma moto, mais celle-ci est d’un indice d’octane assez faible et inconnu chez nous (92). La moto a tourné nickel mais vu le prix j’ai préféré me payer le luxe de prendre de l’essence « premium » (95), on est pas à quelques centimes près…

Les premiers kilomètres sont assez flippant, le trafic est dense, ça roule dans tous les sens et n’importe comment à grand renfort de klaxon… Me voilà au milieu de ce bordel organisé sans assurance, il va falloir s’adapter… Mais dans quelques jours je serai le plus géorgien des conducteurs !

Heureusement je quitte rapidement la ville pour les montagnes et la petite ville de Khulo. Au début le bitume est parfait, il fait beau et chaud… Les vacances commencent vraiment ! Et rapidement le ton du voyage est donné, le goudron disparaît à l’entrée du bled où cohabitent les vaches et les camions hors d’âge. L’atmosphère est tranquille, j’ai envie de me fondre dans la masse… Et quoi de mieux pour ça que d’aller boire un coup au bistro du coin ?!

En fait c’est une cabane sur le bord de la route, avec quelques poivrots attablés qui discutent le bout de gras… Qu’importe, je ne suis pas une princesse. Ils semblent tout étonnés de me voir débarquer, ils ne parlent pas anglais, le géorgien m’est inconnu… Mais vu leurs éclats de rire je sens vite que je ne dérange pas !

Le patron me tend une pinte de bière et sort une bouteille en plastique remplie d’un liquide transparent… De l’eau ? Non, personne n’en boit en Géorgie… Plutôt une vodka infâme faite maison, surement à base d’acétone ou un truc du genre… J’essaye de leur faire comprendre que je ne bois pas d’alcool, mais c’est quelque chose qui ne doit pas se concevoir ici… Me voila coincé, il faut boire ce shot cul-sec pour leur faire plaisir et me brûler la gorge au 3ième degrés !

Après avoir survécu à la vodka, les gars m’ont bien fait rire. Les seuls « mots » français qu’ils connaissent est « Sarkozy » et « Hollande », du coup il s’en est suivi un débat politique au sommet de l’absurdité éthylique à base de « Hollande Kaput… Sarkosy good… Poutine very goooood !! ». J’aurai pu rester des heures à discuter avec eux mais la route m’appelle… Le patron ne veut pas que je paye alors j’insiste pour, au moins, lui acheter un saucisson. A la place j’aurai dû lui prendre un alcootest et du doliprane… Moi qui ne boit jamais d’alcool je reprend mon chemin franchement ivre… Heureusement qu’il n’y a personne sur le chemin !

 

 

La piste quitte ensuite la vallée pour rejoindre un col à 2000m d’altitude: le Goderzi pass. Ça remue pas mal à cause des pierres mais il n’y a pas de difficulté particulière. Je traverse quelques villages isolés, et quasi désert, à un rythme de tortue grecque… Le paysage est trop beau pour être traversé en mode « rallye » ! Je croise un groupe d’iraniens en vacances qui tentent de rallier Tbilissi avec une Ford Fiesta louée à Batumi… Ils pensaient couper par les montagnes au lieu de prendre par l’autoroute, pour visiter un peu… Ils ne s’attendaient pas à une route aussi pourrie ! Je leurs ai confirmé qu’ils n’étaient pas perdus, mais sincèrement je ne pense pas que la voiture soit arrivée au bout…

 

 

 

Je ne suis pas allé jusqu’au sommet, à 5 kilomètres de celui-ci le spot de bivouac parfait me tendait le bras… Un pâturage à l’herbe bien grasse, un terrain plat avec un ruisseau à proximité, une vue sublime et des chevaux en liberté pour compagnie… A pleurer tellement c’est beau… Je croise un jeune berger et lui demande si ça dérange quelqu’un si je campe là… « Niet problem » !

Le soleil se couche sur la vallée avec au loin le champ du muezzin, l’instant est magique… Je contemple le spectacle assis dans l’herbe… C’est pour ces moments là que je voyage en moto, la liberté de se poser où on veut, quand on veut, en toute simplicité… Mon voyage dans le Caucase ne pouvait pas mieux commencer, il ne reste plus qu’à espérer que les ours ne viennent pas me déranger dans ma tente…

 

 

2 réflexions au sujet de « Géorgie On My Mind – 1 – En route vers le Caucase »

  1. Camiade dit :

    Superbe photos et texte !! Si c’était pas si loin….

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