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Hivernale Bosnienne – Episode 2

La première partie du voyage a servi de leçon au petit sudiste que je suis, et qui croyais qu’en avril s’était déjà l’été partout en Europe… Et bien non, ici il fait un froid polaire et la neige est plus forte que la Ténéré sur les chemins ! Mais malgré tout cela ne me décourage pas, il y a tellement à découvrir en Bosnie et ses paysages font vite oublier les difficultés de la route…

Je quitte sans regrets Livno, une ville morne et sans intérêt, pour reprendre la route et la direction du parc national de Blidinje où j’abandonne assez rapidement le bitume. Le début de la piste est très compliqué… De nombreux engins de chantier sont là pour des travaux et leurs passages a complètement ravagé le chemin avec sa terre ramolli par la fonte des neiges. Un bain de boue au petit matin, il n’y a rien de mieux pour commencer la journée ! Les ouvriers se marrent de me voir me débattre dans la glaise avec ma grosse moto, mais tous m’encouragent et me souhaitent bonne chance pour la suite… Et de la chance il va m’en falloir un peu, je vois la neige commencer à recouvrir le chemin… Pourvu que je ne reste pas coincé ! Une fois les travaux passés, le terrain devient moins gras, je reprends plaisir à conduire et surtout c’est plus facile de profiter du paysage quand on ne galère pas…

 

 

Puis la piste se fait moins sinueuse, j’arrive sur un plateau et au bout de la piste le lac de Blidinje… Magique…

 

 

Le plaisir de conduite sur la piste est réel, je peux enfin envoyer du rythme sans arrière pensée ni crainte, et que dire du plaisir des yeux… Cela mérite bien une pause au bord du lac pour contempler le spectacle… Le paysage est immensément vide, cet été il y aura des touristes mais pour l’instant la montagne m’appartient… Je me sens vraiment privilégié !

 

 

 

 

Le bitume reprend ses droits et la route file vers une station de ski… Que ce soit du goudron ou de la terre le plaisir est le même, je trace tout droit dans ce plateau immense entouré de ses sommets enneigés… Toujours tout seul… Quel pied !

 

 

Une fois arrivé à Jablanica je repose les pieds sur terre… Ben oui je ne pouvais pas passer ton le temps du voyage dans ce décor de far-west glacé ! Me voilà sur une des nationales principales du pays, bloqué derrière des poids lourds qui tracent en direction de Mostar… Je mange de la poussière, profite à peine de la vue (pourtant sublime sur les gorges de la Neretva) mais il me faut ronger mon frein.

A Mostar je me faufile tant bien que mal dans le trafic pour prendre la route de Medugorje… 1h plus tôt j’étais dans une station de ski, maintenant me voilà en pleine garrigue ! Végétation méditerranéenne, chaleur étouffante… Quelle contraste ! C’est aussi ça la beauté des Balkans, de tous petits pays avec une grande diversité de paysages, climats, ambiances… On s’émerveille à chaque virages et il y en a pour tous les goûts !

Medugorje est un attrape-touriste religieux mais ça tombe bien je n’avais pas prévu de m’y arrêter. On m’a plutôt conseillé d’aller voir les chutes de Kravice, même si ça semble un peu galère à trouver… Ma carte m’indique de toutes petites routes, c’est pas très clair, et il n’y a pas de panneau… A force de suivre ses indications je me retrouve sur une piste puis… Face à un précipice !!! Voila une grosse galère, le chemin est très caillouteux, étroit et c’est encore une bonne séance de musculation pour faire demi-tour avec la Ténéré… Mais avec mes petits biceps j’y arrive !
Finalement la route indiqué s’avère être un petit sentier de randonnée, qui ne serait même pas praticable avec un vtt… J’oublie donc l’idée d’y amener la bécane et je poursuis à pied tant bien que mal… Une fois arrivé au pied de la cascade je me rends compte que, sur l’autre rive, il y a une belle route qui arrive au pied de l’eau, avec un parking, une buvette,… Bref, ma carte c’est bien foutu de ma gueule ! Et de là où je suis je n’ai même pas un bon point de vue ! Il faudra bien s’en contenter, je n’ai plus le temps de chercher mon chemin… Ce soir je dors chez un couchsurfeur et je suis donc attendu en fin de journée sur Mostar, il me faut quitter Kravice sur cet échec !

 

 

Stephen, mon hôte, tient un pub de motard dans la vieille ville, à deux pas du fameux pont. C’est un baroudeur américain qui a roulé sa bosse à travers toute la planète, que ce soit sur une bécane ou à l’arrière d’une jeep militaire… Le genre de type avec des tonnes  d’aventures à raconter, comme un épique roadtrip au guidon d’une Kawa KLR 650 depuis l’Afghanistan jusqu’en Bosnie ! Respect, robustesse… Ce n’est pas avec mon petit voyage de 15 jours que je vais l’impressionner !

Pour info son pub, le Black Dog, est réellement incontournable pour tous les motards qui se rendraient à Mostar, pour son ambiance, ses concerts de rock gratuit tous les soirs mais aussi pour sa position idéale au cœur du quartier touristique.

La page du Black Dog Pub

La ville mérite vraiment le détour et de quitter la bécane pour flâner dans les ruelles du vieux quartier musulman. Ses bâtiments médiévaux et son pont caractéristique ont été bâti par les ottomans qui occupèrent la Bosnie de 1463 à 1878, on y retrouve encore les bazars d’époque, hammams, mosquées…

Capitale de l’Herzégovine, une région essentiellement peuplée de croates catholiques (près de 50% de la population), elle fût malheureusement marquée par la guerre qui vit se déchirer toutes ses ethnies (croates, bosniaques musulmans et serbes orthodoxes). L’armée croate ira jusqu’à détruire le pont de Mostar, symbole de la culture turque de la ville et porteur de 400 ans d’Histoire… Maintenant reconstruit, grâce à la volonté de l’UNESCO, il est devenu le principal lieu touristique du pays, drainant des milliers de touristes chaque années.

 

 

Mon nouvel ami me conduit à l’extérieur de la ville pour la soirée, dans le bar d’amis à lui… Un endroit assez glauque de l’extérieur, perdu dans la campagne, au milieu de rien… Et pourtant à l’intérieur quelle ambiance ! Les groupes de rock amateurs se succèdent sur scène, on fait la fête sans se prendre la tête et à grand renfort d’alcool. Stephen me présente ses amis, des croates qui ont décidé de rester vivre à Mostar après la guerre. On discute librement du communautarisme dans la région, des nombreuses questions soulevées par le conflit qui n’ont toujours pas trouvé de réponse, de l’apaisement apparent qui cache pourtant encore beaucoup de tensions et de ressentiments… Visiblement la plupart des jeunes se fichent pas mal des clichés communautaire, et vivent en paix sans se soucier des clivages ethniques… Mais malgré tout la ville est toujours divisé en deux quartiers bien distinct: une rive gauche musulmane et une rive droite croate. En gros, même si on fait la fête ensemble, on ne mélange pas les torchons et les serviettes…

 

 

Le lendemain c’est avec regret que je quitte Stephen et Mostar, après avoir passé une excellente soirée complètement imprévue dans mon planning ! J’ai l’habitude de partir au petit matin mais là difficile de faire plus tôt que midi… Heureusement que mon étape est courte, j’ai simplement prévue de rallier Sarajevo en passant par les petites routes.

A peine sorti de Mostar je rentre en Republika Srpska, autrement dit la République Serbe de Bosnie… Et c’est plutôt étrange dans rentrer dans une république sans changer de pays ! Pour comprendre tout ça il faut remonter à fin 95 et aux Accords de Dayton, un sommet entre les différents chefs d’états d’ex-Yougoslavie et présidé par les Etats-Unis pour mettre fin à la guerre qui opposait les serbes de Bosnie aux musulmans bosniaques et aux croates… En gros il fallait garantir un état souverain et uni aux bosniaques, et une zone serbe autonome (ou presque) et affranchie du pouvoir de Sarajevo. Tout ça pour assurer une paix durable sans trop froisser les nationalistes et le communautarisme ambiant… Une solution de dépannage donc, avec des frontières dessinées en partie sur la ligne de front qui opposait les deux parties, mais qui perdure toujours  20 ans après… La Bosnie-Herzégovine est un état composé de deux entités quasi indépendantes, la Fédération de Bosnie et d’Herzégovine et la République Serbe de Bosnie, avec leurs propres parlements et représentants politique. La Défense et les relations internationales sont les seules affaires a être géré uniquement à Sarajevo, pour les deux camps, à la demande de l’OTAN et de l’ONU.

On rentre donc dans une république donc, mais qui n’est finalement pas un état indépendant… Pour un observateur extérieur comme moi j’ai simplement l’impression de changer de région, même si les nombreux drapeaux et panneaux en écritures cyrilliques me rappellent que je suis bien en territoire serbe !

La route jusqu’à Nevesinje est un pur régal, de belles courbes dans la montagne sur un bitume presque parfait où on a (presque) envie de mettre un peu de rythme… J’arrive à l’embranchement pour Kalinovik et je me rappelle que Stephen m’avait déconseillé cet itinéraire, je commence à comprendre pourquoi… C’est une piste qui rejoint un col assez élevé en altitude et rien ne dit si c’est praticable ou pas, la neige pourrait bien me bloquer le passage ! Mais comme je suis courageux (ou abruti, au choix) j’y vais quand même, on verra bien !

La progression est lente et difficile, il me faut slalomer entre les plaques de neiges et sa fonte rend le terrain particulièrement boueux… Malgré les « crampons » la moto part dans tous les sens, j’avance au rythme d’un escargot et je ne vous parle même pas du style… Disons peu flamboyant ! Mais peu m’importe, en voyage on n’est jamais noté là-dessus… Une fois au sommet je domine un immense et sublime plateau, encore une fois seul au monde…

 

 

La descente sur Kalinovik est clairement meilleure, plus de boue ni de neige, un chemin nettement mieux terrassé… Et c’est pas luxe, parce qu’au rythme où j’avançais dans la gadoue je n’étais pas rendu à Sarajevo avant la nuit !

Au passage on admire les moyens mis en place pour protéger les usagers de la route… Et dire qu’en France les motards râlent à cause de l’état des routes… Ici les glissières de sécurité ne décapitent pas, mais elle ne t’empêcheront pas de t’écraser 100 m plus bas !

 

 

J’arrive dans une région montagneuse particulièrement isolée, il n’y a que quelques villages (presque déserts), des champs, des vaches… C’est très beau mais ça va être compliqué de faire des rencontres ! Pas de raison de s’arrêter donc, je trace vers Sarajevo en finissant les derniers kilomètres sur le bitume.

Je trouve un hôtel avec garage tout proche du centre de Sarajevo, ma journée du lendemain sera consacrée à la découverte (piétonne) de la ville mais je vais déjà sentir son atmosphère nocturne dans le vieux quartier turc… On se croirait à Istanbul, il y a des restaurants kebab à tous les coins de rue ! Ce soir ce sera un classique des balkans: des Ćevapčići dans un pain pita… Parfait pour nourrir un aventurier affamé !

Demain je découvrirai réellement la ville… A suivre au prochain épisode !

 

L’itinéraire de l’étape

 

 

 

L’itinéraire de l’étape

2 réflexions au sujet de « Hivernale Bosnienne – Episode 2 »

  1. chris dit :

    Super ! Je vais prendre des notes pour le RB de cet été.

    J’ai déjà prévu Kravice et Mostar, mais ce lac Blidinje me tente bien.

    Répondre
  2. Boucanier dit :

    Très chouette CR merci du partage.

    J espère pouvoir trouver une partie de ces belles pistes … et quand même éviter au maximum les touristes en juillet.

    En même temps j en suis aussi … mais le routard a souvent le souhait de fuir la foule

    Répondre

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