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Michelin Anakee Wild – Test Longue Distance – Wild Balkans Tour 6

Après plusieurs jours à vadrouiller dans plusieurs pays des Balkans il est temps d’explorer réellement l’Albanie… Et notamment ses régions montagneuses qui occupent le nord et l’est. Je laisse la côte pour les touristes, il y a tellement plus à découvrir dans les terres… A commencer par la gentillesse et l’hospitalité dont fait preuve ce peuple si longtemps coupé du monde extérieur !Réveil tout en douceur au milieu de ma prairie, le soleil se lève sur les Alpes albanaises et me réchauffe pour le petit-déjeuner. Un troupeau de chèvres se joint à moi pour un peu d’animation, suivi du berger qui, intrigué, n’a pas résisté à la tentation de venir me parler. Il est quasiment impossible de communiquer tant la barrière de la langue est importante mais on comprend tous les deux l’essentiel. Je lui fais savoir qu’il habite une région magnifique et que mon expérience dans son pays est pour l’instant formidable, lui n’a de cesse de détailler mon matériel qu’il trouve incroyablement sophistiqué. Il étudie tout, la moto, son équipement, il veut rentrer dans ma tente, voir mon réchaud, mes casseroles… Il n’en revient pas de voir autant de « technologie » alors que je ne transporte rien de trop « haut de gamme »… Il me fait même de la peine, ce vieil homme promène ses chèvres sur le plateau à longueur de journées avec des godasses ouvertes et fatiguées, il lui manque un bras, semble borgne… Alors je lui montre ma paire de baskets, un modèle premier prix de chez Décathlon, et je vois ses yeux briller ! Je lui fais comprendre de les essayer, la pointure semble convenir… Comme je ne m’en sers quasiment pas sur ce voyage je lui en fait cadeau et il n’arrive pas à y croire ! Le vieux berger m’embrasse sur la joue et me sers dans ses bras comme si j’étais son fils… Et part en courant rejoindre ses chèvres avec mes Kalenji aux pieds ! Je crois que j’ai fait un heureux !

Le moral gonflé par cette sympathique rencontre, et plus léger d’une paire de chaussures, je reprends mon périple vers les montagnes et plus précisément la ville de Valbonë. On m’en a parlé comme le « Chamonix albanais » alors j’ai hâte d’admirer les sommets de là-haut.

La route longe une sublime rivière à l’eau turquoise… C’est tellement beau qu’il est difficile de ne pas s’arrêter tous les kilomètres pour prendre des photos !

 

 

 

Une fois sur place c’est un peu surprenant… On m’avait parlé d’une station alpine touristique, mais c’est très loin de la définition que l’on a de ce genre d’endroit en Europe de l’ouest ! Finalement il n’y a pas grand chose, deux ou trois restaurants, une supérette dans un Algeco, pas de réelle structure pour accueillir un tourisme important… Le développement de cette économie est encore bien limité mais je ne vais m’en plaindre car cela me garantit le calme absolu ! Il n’y a pas un chat et je profite des différents panoramas sur les plus hauts sommets du pays… Ici tout est beau, même les chèvres sont photogéniques et viennent prendre la pose !

 

 

Les éternels bunkers veillent toujours à la tranquillité de la vallée…

 

 

 

De retour à Bajram Curri je décide de retourner sur la ville de Kukës mais cette fois-ci en longeant son lac par le sud. L’itinéraire suit les falaises et offre une vue incroyable tout du long, mais attention au revêtement qui peut être très piégeux ! A de nombreux endroits le bitume est tellement endommagé que l’on ne sait plus bien si on est sur une route… Ou sur une piste ! Mais avec un tel panorama on oublie vite les imperfections routières et les (petites) difficultés.

 

 

Peu à peu le bitume défoncé laisse place à un goudron des plus récents et permet d’envoyer un peu plus de rythme… Ce qui aurait pu être très fun si je n’avais pas oublié de mettre de l’essence à Bajram Curri ! A force de me dire « je ferai le plein plus loin » on se retrouve forcément au bord de la panne sèche sur une route où personne ne passe… J’ai beau avoir l’habitude du manque de station service dans certains pays, je me fais toujours surprendre par le carburant… Quel âne ! Il me faudra pousser la réserve à plus de 100 kms en serrant les fesses tout le long… Car sur cet itinéraire il n’y a aucune pompe ! Ce n’est qu’à Kukës que j’ai pu remplir mon réservoir du précieux liquide… Heureusement que Miss Ténéré est une chamelle, avec 4.7l/100 kms de consommation il en restait encore !

L’arrêt à la station service est l’occasion de faire le point sur les Anakee Wild qui ont accumulé 4000 kms de bons et mauvais traitements. Malgré les changements de revêtements et les trous, ils ne perdent pas (ou peu) de pression et aucune entaille n’apparait sur les dessins… Pour l’instant c’est du robuste !

Pour l’usure par contre c’est un peu moins costaud… Notamment à l’arrière !

Bande de roulement: 6.10 mm à l’avant / 4.80 mm à l’arrière

Flancs: 6.30 mm à l’avant / 7 mm à l’arrière

Le plat sur le pneu arrière est très présent et son usure a maintenant dépassé les 50%, ce qui risque de devenir problématique pour le retour ! Au contraire, l’avant ne bronche pas et les kilomètres ne semblent pas l’atteindre…

La qualité principale que je trouve à ces Wild est surement qu’il me rassure en toutes conditions. En voyage il est important d’être en confiance avec son matériel, notamment les pneumatiques, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il m’ôte tous les doutes et appréhensions que je pourrai avoir ! Son comportement neutre permet de balancer la moto d’un angle à l’autre et sans crainte de perdre l’adhérence, cela accroche jusqu’à faire frotter les cale-pieds sans problème. J’attends maintenant avec impatience de remettre mes roues dans de vraies pistes pour juger si l’usure atteint (ou non) sa motricité dans la terre et les cailloux.

Me voila de retour sur la route de Peshkopi à la recherche d’un embranchement pour Zall Reç… Introuvable ! Ici il n’y aucun panneau directionnel, ni même à l’entrée des villages pour indiquer leurs noms, ce qui n’aide pas à se repérer. Fatigué de chercher en vain, je me trouve plutôt un bout de champ pour planter ma tente.

Seul face à la montagne… On est pas bien là ?! Enfin seul… Il faut le dire vite…

 

 

 

En fait je suis juste au dessus d’un petit groupe de fermes et un des bergers vient à ma rencontre. Sympa, il me propose de le suivre chez lui pour boire un café. C’est l’occasion de vérifier que l’hospitalité n’est pas un vain mot en Albanie, café, gâteaux, fruits… Saïmir (c’est le nom de mon nouvel ami) me présente à toute sa famille et me propose même de m’héberger ! En fait il a honte de me laisser camper dans son champ alors qu’il pourrait m’offrir un lit, ici on se doit d’accueillir le voyageur de passage de la meilleure des façons. Je refuse poliment car j’ai déjà tout installé et je suis vraiment trop fatigué pour tout transporter jusque chez lui… Et je lui explique que j’ai tout le confort possible dans ma tente pour passer une excellente nuit. Je remercie chaleureusement mes hôtes, qui m’offre des pommes pour mon repas du soir.

 

 

Saïmir me raccompagne à ma tente avec le fils du voisin qui sert d’interprète avec ses quelques notions d’anglais scolaire. Ils doivent aller en ville faire des courses et je suis censé rester au calme dans ma tente… Ça s’était le plan initial, avant que les compères ne ramènent trois jeunes cyclistes allemands croisés sur la route. Décidément ce n’est vraiment pas une soirée comme les autres !

Nous préparons un feu de camp, partageons la nourriture que nous avons tandis que Saïmir ramène une pleine bouteille de Rakia. L’ambiance est festive et quelque peu surréaliste, entre inconnus qui n’aurait jamais dû se croiser… On dira que c’est le destin qui nous a mis sur la même route, celle de Saïmir et de son incroyable gentillesse. La barrière de la langue n’empêche pas les fous-rire qui résonnent dans la vallée, des moments riches en partages qui donnent un sens au voyage… Il y a bien sur le plaisir de la moto, celui des paysages… Mais il y surtout la découverte de l’autre, celui qui ne partage ni ma culture, ni ma langue, mais avec qui on a tant de valeurs communes…

Le réveil est tardif et compliqué sur ma colline albanaise… La soirée de la veille a fatigué les organismes et tout le monde se met en mouvement tranquillement. Mes amis teutons ne se sentent pas la force de remonter en selle et traine autour de la cafetière, Saïmir est à la bourre pour amener les enfants à l’école… Et moi j’aurai déjà dû décoller il y a une heure ! Nous nous quittons tous avec regrets, en sachant qu’on ne se reverra probablement jamais… C’est le drame du voyageur de passage, il ne revient jamais sur ses pas…

Saïmir me donnera un dernier conseil avant de partir, la route que je cherchais désespérément hier passe en fait juste en dessous de chez lui et il m’indique comment la récupérer. Sans lui je n’y serai jamais arrivé, c’est un chemin quelconque sans aucun panneau donc j’aurai pu chercher longtemps ! Je pensais que ça serai du bitume, mais cela me fait plaisir de retrouver un peu de terre pour dégourdir les crampons des Wild !

La piste serpente le long de la montagne avec une vue imprenable sur toute la vallée, c’est absolument sublime et désert… Le pied !

 

 

 

Le bon terrassement de la piste permet de profiter de la vue tout en conduisant, et j’avoue que de bon matin j’en ai déjà plein les yeux ! Après avoir serpenté le long de la falaise la route suit maintenant la rivière. Comme il n’y a aucun panneau (et une multitude de croisements), je m’en remets aux quelques points de repères de ma carte (ponts, barrages,…) et surtout à l’aide des locaux. Ces contrées isolées ne sont pas si dépeuplées que ça, et je ne manque pas de demander mon chemin à tous les paysans que je croise ! A plusieurs reprises ils me remettront dans le droit chemin, preuve qu’en voyage on a toujours besoin de l’autre.

 

 

Après Zall Dardhe il me faut faire un choix, soit tout droit pour aller directement à Burrel et probablement sur de l’asphalte… Soit à droite, un détour pour rejoindre Fushë Lurrë sur une route à l’état inconnu… Je choisi l’option de l’aventure, à droite direction les montagnes !

L’excitation de la journée laisse vite place à la concentration… Fini la piste propre et facile, fini la rigolade… Maintenant j’ai droit à un chemin caillouteux et défoncé où, sous un soleil de plomb, machine et pilote seront mis à rude épreuve ! La navigation devient elle aussi très compliquée, la montagne est quadrillée de routes et une seule mène à Fushë-Lurrë… Il faut tacher de ne pas chuter et de ne pas se perdre non plus !

Les passages très cassants se succèdent et je progresse lentement… Heureusement pour moi je peux constater l’excellent travail de mes pneus. Malgré une gomme arrière entamée de plus de 50% de ses crampons, la roue tracte sans faiblir et me sort de tous les pierriers et autres ornières piégeuses !

 

 

 

 

J’arrive au bout de la piste principale et deux choix s’offrent à moi… Soit à gauche sur une piste qui remonte encore plus haut et très pierreuse, soit à droite sur un plateau herbeux qui rappelle la Mongolie… Selon ma carte et ma boussole il serait plus judicieux d’aller voir à gauche, malgré une difficulté plus importante. Mais je ne veux pas négliger l’autre option et je décide d’aller à droite pour faire le point… Je passe devant une ferme déserte et au bout de la piste la direction semble totalement contraire à mon itinéraire…

 

 

 

Je poursuis à pied sur 200m, à mon avis je fais fausse route… Je remonte donc sur ma moto, un peu perdu et désarçonné… Quand j’entends un bruit dans le bois… Je tourne la tête et croise avec horreur les regards d’une meute de chiens sauvages qui coure dans ma direction ! J’enclenche la première et j’ai à peine le temps de lancer la moto que le premier chien me saute à la jambe, les crocs en avant ! Heureusement la botte et mon accélération ne lui permet pas de mordre et je file le plus « vite » possible sur l’herbe glissante… Les molosses sont à mes trousses ! 50 km/h, je n’arrive pas à me séparer d’eux… La meute me suit de très près, ils sont collés à moi mais la vitesse les empêche de tenter une attaque…

Un obstacle insurmontable me fait fasse: quatre ornières de camions qui se croisent et qui ne me laisse que deux choix inenvisageables. Première option: je ne ralenti pas pour ne pas me faire manger par les chiens, je passe donc l’ornière à 50 km/h, ferai un vol plané et ma moto se désintégrera à la réception… Deuxième option: j’adapte ma vitesse pour la franchir mais les chiens seront en mesure de me sauter dessus… Dans les deux cas je suis très mal et pas le temps de réfléchir, ça arrive très vite !!!

Dans cette situation désespérée j’aperçois une lueur d’espoir… La ferme que je pensais déserte ne l’est pas réellement, et les bergers m’aperçoivent en difficulté… Aussitôt ils lâchent leur patous qui se ruent vers moi et se plantent en travers du chemin, bloquant la route à la horde de chiens qui fait demi-tour… Je suis sauvé !!!

En descendant de ma moto je suis au bord du malaise cardiaque… C’est la première fois que je me retrouve dans une telle difficulté en voyage, et ressentir la peur primaire de se faire dévorer par des animaux sauvages n’est pas quelque chose que j’aurai souhaité expérimenter dans ma vie ! Je remercie chaleureusement mes sauveurs, ils sont bien conscients que sans eux… J’étais dans la m**de ! Ils en profitent aussi pour m’indiquer la route, il s’agit bien de celle qui monte dans la montagne… La plus difficile, mais sans risque de se faire manger !

Je poursuis mon chemin avec me sentant intensément vivant… La piste est défoncée mais cela n’a plus aucune importance ! Je vis les choses à 200% et depuis le sommet du col j’admire la transhumance dans la vallée… Il n’y a rien de plus beau !

 

 

 

Me voila enfin à Fushë-lurrë, je pensais tomber sur une petite ville mais ce n’est en fait qu’un minuscule village… Comme il n’y a rien pour se faire un pique-nique convenable je décide me contenter des pommes de Saïmir et de poursuivre mon chemin vers Burrël. J’ai énormément perdu de temps sur cette piste à cause du terrain défoncé et des multiples hésitations et demi-tour… Il me reste encore 60 kilomètres de tout-terrain et vu mon allure je ne devrais pas arriver tôt !

Heureusement pour moi le reste du parcours est beaucoup plus roulant, donc moins éreintant, mais les nombreux virages ralentissent considérablement la moyenne horaire. Je prends un plaisir fou à rouler dans cette montagne, j’enchaine les bornes à mon rythme et ne croise absolument personne… J’ai la montagne pour moi tout seul !

Je m’autorise quand même une pause rafraichissement dans un bar « du-bout-du-monde » comme on sait si bien en faire en Albanie. Qu’importe le standing, je ne suis pas une princesse et vu mon niveau de dessèchement je serai prêt à tout pour boire quelque chose de frais !

 

 

 

J’éprouve un certain soulagement à la vue du panneau de Burrël… J’ai survécu à cette piste sans rien perte ni fracas ! 7 heures pour faire 130 kilomètres, et sans chômer ni faire de tourisme, ça en dit long sur l’état de certaines pistes albanaises ! Que ce soit dans les pierriers, la boue, les marches dans la roche… Mes Anakee Wild ont sans-cesse assuré, me sortant de toutes les mauvaises situations sans faiblir. Si je les trouvais bons sur route, en tout-terrain je dirai qu’ils sont royaux ! Et tout ça sans avoir à dégonfler, l’intégralité de la journée ayant été réalisée avec 2.9 bars de pression à l’arrière… Le top !

 

 

 

A Burrël je trouve un petit camping familiale. Après deux nuits en bivouac et toute la transpiration et la poussière d’aujourd’hui… J’ai bien besoin de prendre une douche, La Baroude sent le fennec ! En plus l’endroit est super mignon, un camping chez l’habitant et aux abords d’une petite chapelle avec tout une bande d’enfant pour me tenir compagnie… Encore une bonne soirée en perspective !

 

 

 

 

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